Depuis Maman est chez le coiffeur, qui avait été nommé pour dix Genies puis pour huit Jutras, le cinéma de Léa Pool intrigue les cinéphiles, mais reste qu'il ne s'agit pas d'oeuvres des plus accessibles pour le spectateur moyen. La passion d'Augustine est probablement le film le plus capable de rejoindre un large auditoire. « Feel good movie de répertoire », si telle catégorisation est possible, le nouveau long métrage de Pool nous plonge dans un univers ecclésiastique et dévotieux avec la sagesse et la prudence d'une carmélite. La caméra de la réalisatrice et l'ambiance qu'elle a imputée à son film - les bruits du bois qui craque, du vent dans les branches et celui des cloches - hypnotisent le public qui s'imagine très bien cette époque rigoriste et pieuse que nous dépeint candidement la cinéaste à travers ses protagonistes, essentiellement féminins.
Céline Bonnier n'a pas besoin de prodiguer des efforts titanesques afin que nous croyions en son personnage de Mère Augustine, qui dirige avec une main de fer et une âme charitable son couvent musical aux abords du Richelieu. Bonnier démontre à nouveau les nombreuses facettes de son jeu, sa grande versatilité. La jeune Lysandre Ménard impressionne également. En plus d'offrir une performance d'actrice presque sans faille, Ménard joue du piano avec une ferveur qui déchire l'écran. Une artiste multidisciplinaire que nous avons beaucoup de plaisir à découvrir à travers ce film poignant.
Le long métrage renferme énormément de personnages - la distribution toute étoile nous annonçait une telle multiplicité des protagonistes -, mais beaucoup sont laissés pour compte, notamment celui d'Anne-Élisabeth Bossé, qui n'a seulement que quelques répliques. Elle fait probablement office ici de « comic relief », mais sa présence à l'écran est si réconfortante et, souvent, dédramatisante qu'il aurait été salutaire de l'entendre plus souvent. Valérie Blais est également assez amusante, mais ses apparitions s'avèrent, elles aussi, moins abondantes qu'espérées.
Malgré ses nombreux aspects positifs, le nouveau film de Léa Pool reste généralement assez traînant et hermétique. Cette époque - les années 1960, juste après la Grande Noirceur, au moment de la création du ministère de l'Éducation - en est une de changements et de doutes, une période foisonnante qui, malheureusement, ne saura toucher qu'une partie de la population. Beaucoup de détails historiques sont implicites dans La passion d'Augustine. Évidemment, il ne s'agit pas d'un documentaire sur la création des institutions publiques et la dégénérescence des couvents classiques, mais cette époque en est une assez charnière dans notre histoire et il aurait été intéressant de développer davantage sur cette transformation qui s'opérait dans le cadre scolaire québécois à travers ces personnages féminins hétéroclites.
La passion d'Augustine est une oeuvre féministe pertinente qui saura certainement toucher directement les femmes (l'oeuvre a une tendance évidente d'interpeler d'abord un public féminin) qui ont vécu cette époque ou qui ont, de près ou de loin, été rattachées à cette dernière (j'ai personnellement étudié au couvent des Ursulines et le film a su habilement raviver des souvenirs d'un milieu dévotieux et matriarcal que j'avais momentanément délaissé, mais qui m'a, il faut le dire, tant apporté). Pour ceux qui n'ont aucun référent à cette époque ou à ce cadre pédagogique particulier, La passion d'Augustine risque d'être plus ardu à pénétrer, mais la chaleur qui y règne et son humanité sauront peut-être convaincre les plus profanes aussi.