Alors que Les sept jours du Talion, sorti en début d'année, abordait déjà avec le même esprit curieux, le même désir de confrontation, un sujet socialement connoté, ce deuxième long métrage de Podz poursuit dans la même veine en observant, de manière particulièrement inspirée, l'humanité derrière le geste. Dans Les sept jours du Talion, on confrontait le spectateur à ses à priori moraux (endosse-t-on vraiment les actes barbares d'un homme si on comprend pourquoi il les pose, et si cela semble moralement justifiable?), alors que cette fois-ci, on s'intéresse au destin d'un cas désespéré. Parce qu'il est mieux écrit, mieux construit aussi que Les sept jours du Talion, 10 1/2 est un meilleur film.
À 10 ans et demi, Tommy fait son entrée dans un centre de réhabilitation pour jeunes délinquants. Farouchement opposé à l'autorité, Tommy réagit très mal à ces premiers jours de détention, et ne communique qu'à travers des crises colériques de plus en plus féroces. Son éducateur, Gilles, n'a peut-être pas les ressources nécessaires pour travailler sur un cas comme Tommy, mais pour lui, il n'est pas question d'abandonner.
La caméra de Podz est toujours aussi enivrante, et sans véritablement s'insérer dans un quelconque « réalisme » (la présence d'une caméra non-justifiée dans le monde du film est déjà « irréaliste »), elle se consacre à un univers où tout semble plausible, où les décisions semblent être prises par des êtres intelligents. Cela ne signifie pas qu'ils soient infaillibles, seulement qu'ils soient dignes de notre attention de spectateur. On l'oublie souvent, mais les films sont assez prétentieux de requérir notre attention pour autant de sujets inutiles et de personnages sans intérêt chaque année, on ne peut qu'être stimulé par le traitement de ce film-ci.
Une scène en particulier, où on peut sentir la vulnérabilité des deux personnages, émeut plus que les autres. Alors que le petit Tommy parle au téléphone avec sa mère internée, désemparé face à son manque de ressources, face à son amour inconditionnel pour une mère à qui il pourrait tout reprocher, son éducateur semble ne pas savoir comment réagir, comment servir au mieux le jeune garçon. C'est cette vulnérabilité qui fait la qualité de 10 1/2.
L'éducateur, conscient qu'il est démuni face à la complexité du garçon, demande avec insistance qu'on le place sous médication, envisage même de le confier aux policiers. C'est sur lui que s'opère la véritable évolution psychologique du film, et c'est là que le film se fait le plus interpellant; c'est là qu'il voudrait qu'on regarde, et de cela qu'il voudrait qu'on s'inspire comme société. Et ce n'est pas parce que c'est une idée qui à priori semble « juste » qu'elle est efficace, c'est parce qu'elle est subtilement amenée par les moyens du cinéma de fiction contemporain.
Tant et si bien que la réalisation, la performance inspirée des comédiens (Claude Legault trouve ici son meilleur rôle depuis longtemps) et la finesse du scénario permettent à 10 1/2 d'être un film particulièrement bien exécuté, mais aussi bien nanti sur le plan émotif. Toutes les scènes n'ont pas la même efficacité (en particulier une rencontre peu inspirée avec un présumé pédophile), mais quelques accrocs ne viennent en rien gâcher l'expérience humaine et humble qu'il propose.