Cela fait plus de dix ans qu'Oliver Stone n'a pas réalisé un bon film (Any Given Sunday, en 1999). Plus encore qu'il n'a pas réalisé un grand film (Natural Born Killers, paru en 1994). On espérait beaucoup de ce retour aux sources (en quelque sorte), de cette valeur sûre, Wall Street. Un film qui, sans être un « grand » film, avait plusieurs qualités et comme principal défaut d'être campé dans les années 80. Revu au goût du jour - alors que la spéculation boursière prend une place de plus en plus importante dans la vie quotidienne (crise économique oblige) - ce regard vitriolique sur le monde des milliardaires américains avait tout pour plaire. En théorie.
À sa sortie de prison, Gordon Gekko est sans le sou et seul. Il publie un livre qui tente de prévenir les marchés d'une éventuelle crise économique et il tente de reprendre contact avec sa fille, Winnie, qui refuse de le voir ou de lui parler. Elle est sur le point de se marier avec un jeune financier ambitieux, pris d'admiration pour son beau-père. Tandis qu'il tentera d'aider un chercheur en énergie propre, il va aussi tenter de rapprocher Gordon et sa fille, tout en déjouant les manigances d'un dirigeant de banque sans scrupules.
L'attrait principal de Wall Street, en 1987, était le personnage de Gordon Gekko. Caricaturant parfaitement le cliché du milliardaire sans scrupules, vivant dans l'excès et se croyant au-dessus des lois, il permettait une critique sévère du capitalisme sauvage. Il permettait d'établir une tension, posée sur un concept relativement simple (les méchants seront-ils punis? la justice prévaudra-t-elle?). Tout ça fonctionnait très bien, les acteurs étaient bons (même s'ils avaient d'affreuses coiffures).
Cette fois-ci, Gekko n'est plus au centre de son récit. Il est figurant dans une lutte plus globale qui met en vedette un jeune homme ambitieux comme il y en a tant au cinéma. Le film n'a aucun noeud dramatique digne de ce nom : on se demande si elle l'aime encore, si elle va pardonner à son père, plutôt que de se demander comment les décisions prises par une poignée de milliardaires peuvent influencer si fortement la vie de millions de citoyens. Et cet affreux symbolisme élémentaire (montrer des dominos pour illustrer une réaction en chaîne!), franchement, non.
D'autant qu'on a rarement vu un personnage aussi important que celui de Winnie être aussi pauvre : la fille de Gordon Gekko aurait dû être au centre de cette histoire. Mais on préfère se consacrer à un jeune homme stéréotypé qui a des « valeurs morales ». Comme on sait bien, autant chez Stone que chez ses producteurs, que c'est Gordon Gekko qui est la véritable vedette, on essaie de se racheter avec un dénouement anti-dramatique. Cet épilogue est presque insultant : les méchants redeviennent gentils (sinon ils sont punis), on s'aime finalement, tout est bien qui finit bien. Il ne faudrait surtout pas faire de peine à personne! Zzz...
Quand le seul moment de tension d'un film sur la finance provient d'une course de moto improvisée (!?!), c'est parce que le (ou les) scénariste(s) n'avai(en)t, au choix : a) aucun talent, ou b) rien à raconter. Difficile de savoir, mais l'épilogue odieusement racoleur du film ne vient que confirmer la confusion qui régnait déjà sans doute au scénario : de quoi ce film parle-t-il? Du capitalisme sauvage? De Gordon Gekko? De la présence de Shia LaBeouf dans une autre suite longuement attendue? Même après le visionnement, on ignore toujours ce qu'il en est.
De nombreuses fioritures visuelles sans signification (donc sans impact) viennent en plus brouiller le récit déjà trop ambitieux et trop vide. Exagérément long, affreusement quétaine et mélo et porté par de bons sentiments racoleurs, Wall Street: Money Never Sleeps est un film de qualité discutable, réalisé par un cinéaste qui a perdu tous ses repères et qui n'est plus que l'ombre de lui-même. Il est dans sa propre crise économique, et il faudra une intervention musclée pour l'en sortir. Mais avec la carte de Wall Street jouée, que lui reste-t-il? Natural Born Killers 2: The Revenge of Mallory?