Après un peu plus de deux ans de pandémie durant lesquels la vie a pris un temps fou à reprendre un semblant de cours normal, l'idée de proposer un remake du magnifique Ikiru d'Akira Kurosawa était loin d'être saugrenue.
Pour Living, le cinéaste Oliver Hermanus a sorti cette histoire de profonde remises en question du Japon d'après-guerre pour la transposer dans le Londres du début des années 1950.
Bill Nighy interprète M. Williams, un fonctionnaire sans histoire apprenant que son cancer a gagné du terrain et que ses jours sont désormais comptés. Ayant depuis trop longtemps vécu une existence sans exaltation ou chambardements, la nouvelle pousse le principal intéressé à voir ses choix de vie sous un autre angle, et à se questionner sur la façon dont il doit profiter du temps qu'il lui reste, et sur le legs qui lui survivra. Il forme dès lors une amitié improbable avec la jeune Margaret, qui devient pour lui une complice et une confidente.
Dans l'un de ses rôles les plus sobres, Bill Nighy signe une performance d'une sensibilité et d'une vulnérabilité inouïes - d'ailleurs soulignée par une nomination aux Oscars - dans la peau de cet homme de peu de mots dont l'existence a fini par ne devenir qu'une suite de répétitions infinies des mêmes gestes quotidiens.
Le scénario de Kazuo Ishiguro se déploie dans un monde tout aussi endormi, où l'obsession de la rectitude mène aux commérages, où les dossiers s'empilent et meurent dans les engrenages de la bureaucratie.
La mise en scène d'Oliver Hermanus représente parfaitement cette rigidité, même dans les moments où le protagoniste commence enfin à se laisser aller, nous faisant ressentir le poids des contraintes qui pèse sur ses épaules depuis trop longtemps, et dont personne ne saurait se défaire en une seule soirée bien arrosée.
Le tout demeure conséquent avec les intentions de départ, et contribue à rendre les moyens pris par M. Williams pour marquer les derniers jours de sa vie encore plus significatifs. Un habile montage présentant les événements dans un ordre un peu plus déconstruit, dans le dernier droit, vient également renforcer ce sentiment.
Living se transforme alors en un hommage au risque, à la bonne volonté, au désir d'aider son prochain en faisant une différence, aussi minime et anodine puisse-t-elle paraître.
Le présent opus se termine néanmoins sur une note également empreinte de pessimisme, se questionnant sur l'incapacité de l'être humain à retenir les leçons les plus simples et fondamentales, et surtout son entêtement à attendre qu'il soit minuit moins une pour agir.
Évidemment, cela prenait une volonté de fer pour se mesurer à une oeuvre comme Ikiru, et le duo Hermanus-Ishiguro s'est certainement attaqué à ce défi avec autant de respect que de bonnes intentions.
Living est le genre de récit calme, posé et bien construit qui porte à réflexion sans vouloir nous étouffer avec les siennes, et qui parvient à utiliser son propre hermétisme à bon escient pour nous sortir momentanément de la cacophonie ambiante, et s'interroger sur ce qu'elle a fini par remplacer.
Car il y aura toujours des préceptes à retenir du passé, et à appliquer au présent.