Les précédents films de Kim Nguyen ont tous des qualités. Le marais, Truffe, La cité sont des films visuellement prenants, qui parvenaient à créer des ambiances imprégnantes, mais dont le scénario laissait à désirer. Dont on sentait un aspect « inachevé », malgré un charme de l'essai qui laissait présager le meilleur. Rebelle les surpasse tous. La différence se trouve ici au niveau de la cohérence du scénario et des enjeux, qui rejoignent enfin les qualités de réalisateur de Nguyen.
Cette histoire, tirant sur la tragédie, bouleverse par son refus de la simplicité émotive et du sensationnalisme. Dans sa définition, l'histoire d'une enfant-soldat, enceinte à 14 ans, qui raconte à son enfant à naître son terrible quotidien de violence sexuelle, de combat armés et de drogues tire facilement les larmes. Mais Nguyen ne s'en contente pas, refusant même le mélodrame pour filmer une violence que l'on comprend, que l'on ressent, et qui est d'autant plus déchirante. La narration, vraiment efficace, utilise pleinement le potentiel dramatique de la voix off, soulignant sans répéter et favorisant l'immersion dans un univers qui nous est si méconnu qu'il étonne à chaque instant.
Le scénario est d'autant plus habile qu'on peut y respirer, entre les moments tragiques, les combats et la dure réalité d'une enfant-soldat enceinte. On y trouve des moments de « paix » qui soulignent d'autant plus la dureté des combats, l'intransigeance des chefs de guerre, et le drame intérieur d'une héroïne, remuent des émotions profondes et dont l'impact n'est pas que superficiel. On y trouve aussi quelques longueurs, mais rien pour diminuer l'impact général.
Les « fantômes », parfaitement intégrés à l'histoire, visuellement saisissants, sont un ajout poétique puissant, sans doute l'image poétique la plus cohérente à ce jour dans l'oeuvre de Nguyen; ce n'est pas la plus créative, la plus audacieuse ou la plus originale, mais c'est celle dont l'impact émotif et lyrique est le plus fort. La réalisation le souligne parfaitement, à travers une caméra maîtrisée, précise. Les acteurs sont au service de la narration; efficaces, convaincants, en particulier la jeune Rachel Mwanza, déjà récompensée à Berlin, mais surtout Serge Kanyinda, dans le rôle de Magicien.
Kim Nguyen n'a rien changé à ses habitudes de réalisation par rapport à ses films précédents, qui étaient des exercices de style intéressants sans la colonne vertébrale que représente un scénario cohérent aux enjeux bien définis et porteurs d'émotion. Rebelle est sa plus grande réussite, un film qui trouve enfin cet équilibre qui s'atteint souvent en même temps que l'on acquiert une certaine maturité cinématographique.