On craignait que ce remake américain du classique coréen Oldeuboi, de Chan-wook Park (qui avait marqué les mémoires en 2003), réfute les audaces narratives et visuelles de ce film si important auprès des fanatiques du cinéma asiatique au nom de son public trop prude. On est sincèrement soulagé de voir que Oldboy, réalisé par Spike Lee, ne se détourne pas de certains des moments les plus choquants du film original. Certes, le travail d'adaptation, qui change d'époque autant que de contexte social, comporte autant d'aberrations que de trouvailles et le résultat est plutôt inégal, mais loin de l'échec qu'on appréhendait.
Difficile d'expliciter davantage sans révéler des parties centrales de l'intrigue, mais voici tout de même : on perd, dans ce transfert entre l'Asie et l'Amérique, des sous-thèmes d'honneur, de sacrifice, d'abnégation et de contrition qui faisaient la profondeur psychologique du long métrage original. Thématiquement, dans le souci du détail et dans la créativité visuelle, Oldeuboi est sans contredit supérieur. Le personnage de Samuel L. Jackson est d'un ridicule consommé, comme le sont d'ailleurs certaines scènes-pivots où les personnages se rencontrent « par hasard » et l'omniprésence des nouvelles technologies dans l'enquête. Un peu facile.
Cependant, dans un contexte où le film est adapté, donc revisité, et qu'il se déroule plus ou moins dix ans plus tard dans une tout autre société, le nouveau scénario de Mark Protosevich trouve des solutions pragmatiques et engageantes à plusieurs des défis auxquels il était confronté, tout en parvenant à ne pas faire une vulgaire « copie » du film original. Par exemple, l'hypnose, centrale au récit original, ne serait pas crédible dans un contexte nord-américain, pas plus que l'explication des motivations du tortionnaire, liée à un sens de l'honneur que l'Amérique ne connaît pas.
À ce sujet, le film propose une nouvelle finale habilement construite, qui parvient à reproduire le choc qu'inspirait le film de Chan-wook Park tout en conservant les points centraux du récit (vous remarquerez qu'on essaie de vous laisser la surprise), mais sans simplement plagier l'original. Le point faible du film demeure la réalisation sans éclat de Spike Lee, qui trouve toutes ses bonnes idées dans le travail du réalisateur coréen, alternant entre hommages au film original et maladresses pures et simples.
Dans le rôle central, Josh Brolin est efficace physiquement, mais assez peu engagent émotivement. Il en va de même pour la plupart des acteurs, dont Elizabeth Olsen et Michael Imperioli, qui sont parfois simplement stupides. Sharlto Copley propose un antagoniste convaincant, différent du personnage original, mais dont la voix et le dédain inspirent une crainte justifiée, mais aussi un désarroi et une empathie qui surpassent celle de Woo-jin Lee.
Bien sûr, la nostalgie et une sorte de condescendance déplacée empêcheront la plupart de ceux qui ont vu le film original d'apprécier ces changements, rendus nécessaires par l'idée d'adapter, c'est-à-dire de transformer pour un autre public. Cependant, si on n'a pas vu l'original, ce Oldboy n'est pas à dédaigner. Il propose toujours une finale prenante et déstabilisante, en plus d'audaces narratives rares et véritablement moralement ambigües. Dommage que la réalisation de Spike Lee ne soit pas plus inspirée et inspirante.