Nous n'avons pas l'habitude de nous déplacer dans les salles pour voir un film à sketchs. Les saynètes ainsi découpées sont davantage utilisées dans un cadre télévisuel, profitant de l'effet du punch et de la répartie pour cultiver et entretenir l'attention des spectateurs. Au cinéma, c'est tout le contraire. On se déplace généralement dans les salles pour être témoin de l'évolution d'une histoire - de guerre, d'amour, de vengeance, de haine -, pour oublier nos angoisses et nos questionnements à travers ceux des autres. C'est grâce à des personnages attachants et un récit poignant que le film parviendra à conserver l'attention du cinéphile.
Les infidèles prend un risque considérable en brisant les habitudes cinématographiques de son public. Il y a même, au sein de ce long métrage inorthodoxe, des numéros de quelques secondes qui livrent un gag visuel à la manière d'une blague découpée sous le principe du « une phrase, un punch ». C'est une démarche que l'on peut applaudir pour son aplomb, mais qui, malheureusement, court, au fil des minutes et des heures, à sa perte.
Comme c'est le cas aussi dans un film choral, il y a dans un film à sketchs des séquences, des récits, plus intéressants que les autres. Celui qui ouvre et ferme le film; l'histoire de deux hommes qui se décrivent comme des animaux incapables d'être l'amant d'une seule femme aurait pourtant été assez riche pour faire l'objet d'une oeuvre entière. Bien que la finale de leurs aventures soit plutôt prévisible et grotesque, les personnages auraient pu offrir assez de substance pour nourrir une heure trente de narration. Le tableau sur les « infidèles anonymes » était une bonne idée mais ne trouve jamais son rythme (peut-être que sa courte durée explique en partie son manque d'efficacité), et l'histoire de cet homme marié qui fréquente une jeune adulte indépendante et frivole dans le dos de sa femme s'avère aussi assez fade.
Heureusement que le film est chapeauté par ces deux acteurs de grand talent que sont Jean Dujardin et Gilles Lellouche. Son Oscar, Dujardin ne l'a pas volé. Qu'il incarne un homme désespéré à trouver une femme à baiser dans un congrès ou un tombeur incorrigible ou un éternel adolescent de 40 ans, l'interprète de Brice de Nice séduit et émeu, malgré le court laps de temps qu'il a à sa disposition pour nous convaincre. Gilles Lellouche est tout aussi habile que son partenaire et engendre des personnages d'une grande sensibilité.
Puisque la réalisation est prise en charge par sept cinéastes différents, elle se meut généralement dans tous les sens. Dès que l'on s'habitue à l'esthétique d'un réalisateur, qu'on comprend ses choix artistiques, on passe à une autre histoire et une autre dynamique visuelle. Le principal problème de l'oeuvre est probablement aussi sa principale qualité; l'audace. Les infidèles ne se censure pas, ne se limite pas à un carcan et n'essaie jamais d'endoctriné le spectateur à ses valeurs, mais la manière avec laquelle il a choisit de livrer son message (par la variation sur un même thème), contrait la lecture du cinéphile et l'oblige (à chaque passage au noir) à toujours reprendre du début.