Créer un suspense autour d'une transaction financière, c'est tout un défi. Ben Affleck, qui agit à titre d'acteur, de réalisateur et de producteur du film Air, a accompli cet exploit. La réussite est on ne peut plus spectaculaire, considérant que l'on connaît déjà la finalité de ce récit. On sait que Michael Jordan signera avec Nike en 1984, mais nous avons tout de même les yeux rivés à l'écran, comme si l'histoire pouvait se réécrire. Comment les membres de la division basket-ball de l'entreprise américaine ont tout mis en oeuvre pour attirer le sportif dans leur écurie, comment ils (en particulier Sonny Vaccaro, joué par Matt Damon) croyaient aux talents du jeune homme alors âgé de seulement 18 ans, est enivrant et inspirant.
Sonny Vaccaro était chargé de recruter des joueurs pour devenir les porte-paroles de Nike dans les années 80. L'entreprise visait des sportifs de second ordre, sachant qu'elle n'aurait pas les moyens suffisants pour attirer les grandes vedettes. Sonny a vu le potentiel de Michael Jordan et a convaincu la compagnie que tout l'argent disponible devait être investi en lui, puis il a su trouver les bons mots pour attirer Jordan et sa famille chez Nike, même si le jeune basketballeur avait une préférence pour Adidas. La mère de Michael, Deloris, a exigé que des redevances soient versées à son fils, ce qui n'avait jamais été fait avant. Un précédent a alors été créé, puis une collaboration légendaire.
À moins de baigner dans le domaine sportif depuis les années 80, les détails de cette affaire sont inconnus du grand public. La réalisation nous maintient en haleine, et, à chaque étape, une nouvelle difficulté nous place sur le qui-vive. L'habile scénario d'Alex Convery (qui en était à sa première expérience, mentionnons-le) contribue également à l'intensité dramatique qui se dégage de l'oeuvre. Les personnages colorés qu'il a imaginés (en s'inspirant des personnes réelles) et l'humour décomplexé qui déborde de ses dialogues nourris nous permettent de nous attacher au propos et aux individus qui le composent.
Le duo Ben Affleck-Matt Damon possède la même efficacité qu'à l'époque de Good Will Hunting. Les deux acteurs livrent de convaincantes performances, tout comme Viola Davis, qui incarne une mère obstinée et aimante, convaincue de la valeur de son garçon. Le personnage de Jason Bateman apporte, de son côté, une nuance intéressante, nous faisant comprendre que les idées folles de Sonny Vaccaro représentaient aussi un risque important et dangereux.
Air, qui devait initialement être offert uniquement en vidéo sur demande, mais qui a été tellement bien reçu lors des visionnements tests qu'Amazon a choisi de le présenter en salles, est soutenu par une trame sonore incroyable. On peut entendre dans le film des pièces cultes de l'époque comme « Time After Time » de Cyndi Lauper, « Born in the U.S.A. » de Bruce Springsteen et « Can't Fight This Feeling » de REO Speedwagon. La musique apporte définitivement un aspect conquérant au long métrage qui devient, par la force des choses, inspirant.
Ben Affleck et son équipe sont parvenus à rendre la signature d'un contrat de chaussures enlevante. Il fallait le faire.