Personne ne veut de l'union entre le futur roi d'une région africaine (David Oyelowo) et une femme blanche londonienne (Rosamund Pike). Tout le monde cherche à leur mettre des bâtons dans les roues, mais les époux rappellent qu'à force d'efforts, de sacrifices et de dévotion, rien n'est impossible. Et que cette histoire d'amour à la Roméo et Juliette n'est pas obligée de mal se terminer.
La tyrannie du sujet est un des pires éléments qui sévissent au cinéma. On n'évalue parfois plus un film selon ses qualités artistiques, mais s'il traite d'un fait important qui se trouve dans l'ère du temps. Pour un grandiose Moonlight, il y a dix déceptions comme Queen of Katwe et maintenant A United Kingdom. Oui, le racisme c'est mal, tout comme l'intolérance et l'apartheid. Ce n'est pas une raison pour pondre un banal téléfilm ennuyeux, poussiéreux et académique pour le rappeler.
Cela ne prend que les trois premières scènes de la production pour avoir la puce à l'oreille que quelque chose ne tourne pas rond. Un homme écrit pendant qu'une voix hors champ explique tout. Déjà là, il est impossible d'être plus classique et consensuel. Puis vient le traditionnel « basé sur une histoire vraie » avec une tonne de violons en musique d'accompagnement. Avant de voir un combat de boxe où un homme blanc prend la mesure de son adversaire noir...
C'est le début d'un long métrage qui ne fera pas dans la dentelle côté symboles et métaphores. On comparera même le peuple africain à un Frankenstein qui se rebelle contre son maître. Malgré ses bonnes intentions, la cinéaste Amma Asante n'a rien de valable à offrir, optant évidemment pour la petite histoire limitée plutôt que celle au potentiel plus riche. Même si la Britannique s'en était plutôt bien sortie sur son précédent Belle, elle manque sérieusement d'inspiration pour incarner ce récit, privilégiant les cartes postales attendues et les moments terriblement kitch, tout en plagiant n'importe comment les maîtres du mélodrame que sont David Lean, Richard Attenborough et James Ivory. Son effort n'a pas la fougue visuelle d'un Selma, conviant Morphée la plupart du temps.
En adaptant le livre Colour Bar de Susan Williams, Guy Hibbert (pourtant auteur du très satisfaisant Eye in the Sky) n'a conservé que les grandes lignes éditoriales. Son scénario est didactique, dénué de passion, d'émotions et de profondeur. Il fait peut-être découvrir de nouveaux héros et des pays encore exotiques (comme le Bechuanaland, qui est devenu la République du Botswana), une recherche sur Wikipédia en aurait fait tout autant. Après le magistral Loving de Jeff Nichols qui abordait des thèmes similaires avec une subtilité et une sensualité exemplaires, A United Kingdom n'en paraît que plus fade.
Comme c'est souvent le cas dans ce genre d'exercice au souffle épique limité, on demande aux comédiens de sauver les meubles. Cela vient bien près de fonctionner lorsqu'on peut compter sur un acteur aussi talentueux que David Oyelowo qui livre à nouveau des discours enflammés. Il est le seul à croire à ce qui arrive, ce qui finit par créer une dynamique inégale avec Rosamund Pike. Cette dernière était peut-être extraordinaire dans Gone Girl, cela ne l'empêche pas d'être fade et figée. Elle n'est pas la seule, d'ailleurs, à devoir composer avec autant de clichés. À peu près tous les personnages blancs sont méchants - surtout le peu crédible Tom Felton qui fronce à nouveau les sourcils comme son Malfoy dans les Harry Potter - et la grande majorité des interprètes n'ont absolument rien à défendre.
Plus un rappel historique qu'un film à proprement parler, A United Kingdom est une oeuvre molle, anonyme et sans forme, qui suscite une profonde indifférence. Sauf celle d'avoir manqué une belle occasion de faire du cinéma.