Est-ce qu'un excellent remake signifie nécessairement un excellent film? C'est la question que je me suis posée à la sortie de Total Recall version 2012. Parce que la nouvelle mouture renie tous les éléments dérangeants du film de Paul Verhoeven en ne conservant que ce qui était pertinent et/ou mémorable (on ne pouvait quand même pas passer outre la femme à trois seins et celle à la douane qui répète les mêmes mots). En terme d'amélioration, de modernisation, Len Wiseman et son équipe ont fait un travail remarquable. Mais si on prend Total Recall comme une entité individuelle, qu'on le sépare de sa version d'origine, le film est beaucoup moins efficace. Il est, nécessairement, un bon divertissement, bien rythmé, bien écrit, mais ne plaira certainement pas autant aux profanes qu'aux amateurs de science-fiction et amateurs des cascades d'Arnold Schwarzenegger.
La qualité principale de Total Recall, sorti sur nos écrans en 1990 (à une époque où on croyait que l'écran cathodique et la colonisation de l'espace représentaient l'avenir), résidait principalement dans la surprise. Même quand on regarde ce film aujourd'hui, on réussit à être ébahi par les contorsions que prend le scénario pour nous dérouter et nous désarçonner. Bonne nouvelle; le nouveau Total Recall parvient encore à nous confondre. Même les plus férus de l'ancienne mouture seront étonnés par les idées qu'ont utilisées les scénaristes pour conserver l'essence de l'oeuvre originale tout en l'adaptant à une nouvelle vision du futur et à une nouvelle mentalité. On jongle encore entre rêve et réalité, mais on instaure quelques variantes pour permettre aux fervents cinéphiles d'être encore étonnés.
Peut-être inspiré par la signature de J.J. Abrams (et par son succès), Wiseman a intégré à ses images - sombres mais dynamiques - des reflets de lumières qui - ce n'est pas toujours le cas - ont leur place au sein de cet univers de science-fiction futuriste. On étire parfois légèrement trop les poursuites, ce qui en estompe l'intensité, mais les effets spéciaux (explosions, effet d'apesanteur, accidents de voitures) sont si bien exécutés qu'on peut excuser certaines langueurs. On n'entrevoit que très rarement les écrans verts qui ont dû pourtant être utilisés à outrance (on pense les écrans verts ne sont plus apparents à notre époque, et pourtant...).
Le type de héros de films d'action a changé dans les années 2000; les gros bras d'Arnold ne suffisent plus, on veut quelqu'un de plus proche de nous, de moins stéréotypé. En ce sens, Colin Farrell fait le modèle parfait. Même s'il a le corps sculpté et des traits enviables, on n'exploite que très peu ses charmes physiques, c'est davantage ce qu'il dégage - sa vulnérabilité, son charisme, son instinct - qui nous préoccupe. Par contre, mis à part le nom et les fonctions, il n'y a que très peu de ressemblance entre les deux personnages; celui d'il y a 22 ans et le nouveau. Mais encore là, mettons ça sur le dos de la transformation des mentalités et des moeurs.
Total Recall est un excellent remake parce qu'il a su s'adapter aux nouvelles technologies et aux changements sociétaires, n'a su conserver que l'essentiel de sa trame narrative tout en la fortifiant. Et puisque les allusions au film original s'avèrent certains des meilleurs moments (peut-être parce qu'elles rappelles des souvenirs ou que leur assimilation à la nouvelle histoire est brillante), les nouveaux cinéphiles seront peut-être déçus (et peut-être à raison) par le film de science-fiction. Donc si vous avez la chance de louer le premier avant d'aller voir le suivant, vous apprécierez probablement bien davantage cette adaptation compétente et subtile de la nouvelle de Philip K. Dick.