L'innovation visuelle et technique que représentait Sin City lors de sa sortie en 2005 s'est évidemment étiolée au cours des neuf dernières années. D'une certaine façon, l'importance que l'on accorde aux effets spéciaux a aussi profondément changé (il s'agit maintenant de « contribuer » au récit plutôt que de « démontrer » des capacités). Film noir traité au style visuel d'une nouvelle ère de manipulations informatiques, en 2005, le long métrage avait désarmé autant qu'enthousiasmé, sa signature visuelle sans pareille - qui transposait au cinéma un style bédéesque (« graphic novel ») - étant un accomplissement technique impressionnant. Presqu'une décennie plus tard, évidemment, elle l'est moins.
Résultat : cette suite, malgré d'évidentes similitudes avec son prédécesseur, est moins passionnante, moins émouvante, moins unique. Pas la faute aux interprètes, qui sont dédiés, malgré que l'accumulation de caméos finir par agacer après que de nombreux visages connus soient venus lancer quelques répliques pour une courte scène qui n'aura finalement aucun impact sur a trame principale. Trame qui est évidemment tordue, chronologiquement et moralement parlant, sans que ce soit aussi brutalement pervers que le premier volet. Sin City: A Dame to Kill For est donc régulièrement trop inutilement long et redondant. Sin City prenait le temps d'installer des enjeux et de les rendre palpables.
Ces histoires, qui sont aussi sanglantes que dans le volet précédant, sont moins passionnantes, moins habilement amalgamées, et généralement moins inspirantes. L'abnégation tragique d'un Hartigan ou la cruauté inhumaine d'un Kevin manquent à l'histoire assez inoffensive d'un jeune joueur provocateur nommé Johnny (Joseph Gordon-Levitt, qui a la gueule de l'emploi) et du récit de vengeance d'une Nancy très pudique pour une danseuse (Jessica Alba, étonnamment inintéressante et ridicule en alcoolique). Et Clive Owen était bien plus charismatique que ne l'est Josh Brolin. Mickey Rourke ne fait que se battre, juste « parce que »...
Robert Rodriguez et Frank Miller, qui se partagent la tâche derrière la caméra, n'accomplissent pas un mauvais boulot, mais semblent sur le pilote automatique. Par rapport au premier film, les mêmes stratagèmes, les mêmes touches de couleur parsemées ici et là, sans que ce soit véritablement convaincant. Ni vraiment raté non plus. Le film a encore du style, mais il est dispersé, à travers des scènes de combats nombreuses mais assez convenues. Eva Green est absolument démesurée dans le seul rôle qui l'est vraiment.
Sin City: A Dame to Kill For reste un divertissement mature tout à fait potable, un film d'ultra-violence habile, mais qui ne surpasse jamais ce simple état. Du style, mais pas de vie, et certainement pas de regard dans l'âme humaine par le truchement du langage cinématographique. On est plus près du Spirit que de Sin City.