Même si Mort subite d'un homme-théâtre est un film simple, sans autre ambition que de faire le portrait d'un homme dont l'importance dans le milieu théâtral est considérable mais qui demeure relativement inconnu du public, il s'acquitte de sa tâche avec pertinence et compétence. Le documentaire de Jean-Claude Coublois a l'avantage de ne pas être une biographie, mais plutôt un portrait. Un portrait intime et professionnel d'un homme dont l'importance méritait toute cette attention. Et c'est à travers son oeuvre et les gens qui l'ont côtoyé que l'on apprend à connaître Robert Gravel.
Très peu de notices biographiques, pratiquement pas de mise en contexte historique ni de « scandales » (qui remplacent parfois, en documentaire, les « noeuds dramatiques ») - il faut aussi dire que le travail de Robert Gravel est relativement récent - pour laisser transparaître un quelconque commentaire du réalisateur : que l'oeuvre.
Cela cause parfois quelques longueurs et quelques répétitions, d'autant qu'il n'y a aucun moyen de « vivre » telles qu'elles doivent l'être des pièces de théâtre en les voyant sur un écran. Mais cela permet aussi de se sentir près des gens qui l'ont vécu, à défaut de pouvoir le vivre soi-même. Et comme le dit si bien Alexis Martin, ce qu'on retient des talents de Gravel, lorsqu'on le voit travailler ses textes avec ses acteurs, c'est son talent de rassembleur et de leader. Il est aussi rafraîchissent de voir un film qui ne divinise pas son sujet en jouant à fond la carte de l'hommage laudatif à l'excès.
La pertinence des intervenants est sans équivoque, mais leur importance demeure mineure. Ils ne révèlent rien que l'on ne comprend pas déjà à voir Robert Gravel travailler. Si le film paraît parfois un peu long et répétitif, c'est justement parce qu'il s'intéresse peu aux provocations et aux audaces artistiques de l'homme, crées au cours de sa vie et de sa carrière. Un conflit avec Pol Pelletier est à peine abordé, et on s'intéresse exclusivement au travail théâtral du personnage. Le portrait semble donc par moments incomplet.
Mort subite d'un homme-théâtre n'est évidement pas particulièrement cinématographique et ne tient pas de discours pas plus qu'il ne propose une déclinaison propre au cinéma. C'est dommage, mais ce n'est pas tragique, dans ce cas-ci : on fait rarement ce type de portrait s'intéressant uniquement à l'oeuvre. C'est pourtant l'évidence : les artistes, les vrais, parlent à travers leurs oeuvres. En les filmant tel quel, en les montrant le plus possible, Jean-Claude Coublois les laisser parler d'elles-mêmes. Il suffisait d'y penser. Et de le faire.