Le long métrage français Les petits mouchoirs, qui raconte (en 156 minutes!) une semaine de vacances d'amis trentenaires, est davantage un essai social qu'une oeuvre de divertissement. Il ne faut pas croire qu'on ne s'amuse pas en visionnant ce film, mais ses principales intentions ne sont vraisemblablement pas de nous étourdir ou d'endormir notre esprit surchargé. À travers des personnages riches et légèrement névrosés, la production propose une observation lucide sur les différentes relations interpersonnelles qu'entretiennent les adultes occidentaux entre eux. Le rythme de la narration est particulièrement lent; on entre dans l'existence de ces protagonistes déséquilibrés jusque dans les moments les plus intimes, on nous laisse le temps d'apprendre à les connaître, d'apprendre à les aimer jusqu'au point culminant qui les amènera à reconsidérer cette vie qu'on nous a permis d'observer si candidement.
En plus deux heures trente, il serait difficile de prétendre que toutes les scènes sont pertinentes et d'un rendement comparable - quelques-unes sont d'ailleurs d'une longueur et d'une stérilité inconvenantes. Par contre, la qualité de la réalisation de Guillaume Canet et le jeu naturel, sincère, de tous les acteurs nous amène à croire à l'existence de ces personnages charismatiques jusqu'à s'intéresser et s'inquiéter véritablement de leur sort. Délicieusement bien écrit, le scénario, derrière ses allures d'ouvrage primaire et sans conséquence, communique un message d'entraide et de solidarité fort élogieux en plus de s'engager habilement dans une thèse sur les relations interpersonnelles. Un côté plus humoristique - notamment amené grâce à de succulentes répliques telles que « Regarde-moi dans les yeux quand je t'engueule » - permet au film de ne pas s'enfoncer dans une moralisation du peuple, dans un jugement cavalier des moeurs.
Le long métrage exploite divers thèmes et questions fondamentales sur lesquels tous les protagonistes ont une opinion et une réponse : l'homosexualité, la maladie, le couple, l'éducation des enfants, la philosophie. Même si certaines répliques peuvent nous paraître superficielles, construites uniquement pour meubler le dialogue, on comprend, au fil du développement narratif, l'intérêt de chaque parole, de chaque geste, de chaque silence. Et c'est d'ailleurs là la principale force de ce cinéma français sur lequel on ose parfois lever le nez. Ces artisans européens du septième art parviennent à soulever une réflexion, attiser les esprits et amènent prudemment le spectateur à s'identifier aux personnages.
Les petits mouchoirs est une production habile, sans aucun doute efficace et éloquente, mais se démarque-t-elle des autres films français? Est-elle suffisamment poignante pour modifier nos préconceptions envers le genre? Je ne crois pas. Déjà la durée excessive de l'oeuvre peut en effrayer plus d'un alors que son style classique et consacré ne risque pas d'attirer de nouveaux adeptes. Attention tout de même à tous les larmoyants de ce monde : le titre du long métrage n'est pas qu'une figure de style.