Il faut parfois sortir des conceptions de l'époque actuelle pour comprendre des phénomènes sociaux importants et des gestes fondateurs posés il y a plusieurs [dizaines, centaines, milliers] d'années. Cela donne d'autant plus de grandeur aux gestes politiques et sociaux de certains révolutionnaires qui ont permis l'émancipation de minorités, comme cela permet, en études cinématographiques, de mieux comprendre les révolutions techniques et artistiques de certains réalisateurs par rapport à leur époque et de ne pas simplement considérer ce qui n'a plus cours aujourd'hui.
Pas d'hypocrisie, cet exercice est souvent difficile et exigeant tant il est difficile de vraiment comprendre le contexte d'une époque que l'on n'a pas vécue. Mais bien peu de ce rigoureux travail sur soi ne sera nécessaire avec The Three Stooges, un film absurde, burlesque et complètement dépassé qui n'arrive pas à justifier sa présence à notre époque. Les réalisateurs Bobby et Peter Farrelly, qui ont pourtant multiplié les gestes cinématographiques audacieux, ont complètement oublié d'adapter leur sujet aux nouvelles réalités, qu'elles soient cinématographiques ou humoristiques. Le résultat : une longue et fastidieuse comédie même pas drôle qui ne semble avoir aucune idée de ce qu'elle est censée représenter.
Sorti plus tôt cette année, The Muppets avait bien compris comment traiter ces anciennes vedettes que l'on sort de leur retraite : on peut être nostalgique et vouloir rendre hommage à une époque révolue, mais il faut aussi s'adapter. En ajoutant autodérision et référentialité à des personnages et à une histoire qui respectaient la série originale, on a pu prendre leurs qualités et les placer dans un contexte actuel.
Dans The Three Stooges, l'interprétation des trois comédiens, qui miment les tics des Stooge originaux, ne surpasse jamais la parodie, la banale copie, sans oublier que Chris Diamantopoulos, qui incarne Moe, n'a pas le charisme nécessaire pour être le meneur du groupe. Il faut aussi dire que les situations sont bien peu inspirées, exception faite d'une séquence à l'hôpital qui semble enfin trouver le bon ton et qui est la seule réjouissante. Le travail des acteurs est dédié, mais il est maladroitement intégré à un récit où rien n'est important et dont les enjeux locaux (ceux de chaque séquence) ne sont jamais assez forts. Il n'est pas certain que d'amalgamer ces sketchs en une histoire « cohérente » ait été la meilleure option.
D'autant que ces considérations absurdes pour un orphelinat, une petite fille malade et une histoire de tentative de meurtre s'imbriquent très très mal, que les personnages secondaires n'ont absolument aucun charisme ni inspiration (parlez-en à Larry David). Il est assez révélateur que le seul moment inspiré de ce film soit le post-scriptum où on demande aux enfants de ne pas se frapper à coups de marteau. D'ailleurs, merci.
« Rendre hommage » à un style ou à des humoristes qui ont connu du succès à une autre époque sans l'adapter est voué à l'échec. Quand on décide de regarder un court métrage original des Trois Stooge, on fait le voyage dans le temps soi-même, en connaissance de cause, avec la curiosité nécessaire. Quand The Three Stooges arrive d'une autre époque dans un monde qu'il ne connaît pas, il a l'air aussi désemparé que peut l'être ce film.