Les Misérables était attendu de pied ferme par les critiques et les cinéphiles du monde entier depuis un bon moment déjà. Une comédie musicale inspirée des textes d'un géant de la littérature française, réalisée par Tom Hooper (un cinéaste récemment oscarisé), prenant l'affiche si près de la date limite pour être considéré pour les Oscars, en plus de mettre en vedette des acteurs populaires et talentueux (Hugh Jackman, Russell Crowe, Anne Hathaway, Amanda Seyfried) risquait fort d'animer les discussions. Et, elle l'a fait. Mais alors que plusieurs (comme moi) s'attendaient à un chef-d'oeuvre, le film sur l'histoire de Jean Valjean comporte certains défauts, certaines failles, qu'il est difficile d'omettre et même de pardonner.
Un film de 158 minutes chanté du début à la fin - il n'y a dans Les Misérables que quelques très courtes séquences de dialogues parlés et elles font souvent partie d'une complainte ou font le lien entre deux - était un défi de taille qui n'a été accompli qu'à moitié par Hooper. Le long métrage trouve son rythme - un rythme tout de même difficile vu la singularité de la forme - beaucoup trop tard. Même si la performance d'Anne Hathaway est l'une des plus mémorables, des plus puissantes, c'est seulement lorsque son personnage disparaît que le long métrage parvient à trouver sa bonne mesure. Une harmonie qui perdurera presque jusqu'à la fin (la conclusion s'étire elle aussi beaucoup trop).
Bien qu'ils ne soient pas des chanteurs de profession, les comédiens de ce plateau ont été bien dirigés puisqu'il n'y a que quelques fausses notes dérangeantes (la plupart provenant de la voix instable de Russell Crowe) tout au long du récit. Il y a quelques arrangements magnifiques pendant lesquels les acteurs chantent une chanson différente - sur un diapason tout à fait distinct - qui génèrent l'émerveillement des spectateurs. Certaines mélodies engendrent davantage d'étonnement et d'agrément que d'autres - I Dreamed a Dream et Do You Hear The People Sing? - mais elles apportent toutes leur brin de cohérence à cette histoire qui se déroule sur dix-sept ans. La plupart du temps, le cinéaste a choisi une manière assez épurée de filmer - des plans-séquences rapprochés, des raccords simples et peu fréquents - et le résultat porte fruit. Même si on sent que les décors des Misérables en sont de carton et creux, leur fragilité s'harmonise avec celle du récit.
À noter également les performances remarquables de Hugh Jackman, senti et subtil, d'Amanda Seyfried, délicate et attachante, et d'Eddie Redmayne, romanesque et idéaliste. Helena Bonham Carter et Sacha Baron Cohen dans le rôle des Thénardier, ces voleurs hypocrites et malveillants que l'on aime détester, font également un travail fort louable à l'écran. Samantha Barks parvient elle aussi à se démarquer grâce à un délicieux personnage d'une jeune femme amoureuse d'un homme épris d'une autre.
On se plaint si souvent que le cinéma hollywoodien ressasse continuellement la même recette dans l'espoir de faire des profits et de récolter quelques gloires. Ici, on ne peut que constater que Tom Hooper a osé. Un film de 2h38 chanté du début à la fin, ce n'était peut-être pas la meilleure idée du siècle, mais c'était une idée originale et rafraîchissante, ça, c'est certain. Terminons donc - avec cette dernière critique de l'année 2012 - en saluant l'audace d'Hollywood et celui d'un réalisateur qui - avouons-le tout de même - avait la statuette dorée qui brillait dans ses yeux en envisageant ce projet hasardeux.