L'histoire de l'exploration spatiale américaine vue à travers les aventures de ces trois femmes noires obstinées devient soudainement irrésistible et inspirante. Dans une Amérique ségrégationniste et sexiste, le public est invité à découvrir le quotidien de trois héroïnes culottées et intelligentes qui ont, à leur façon, changé la face du monde en s'impliquant dans le programme spatial de la NASA.
Le film ne cherche pas à condamner les racistes et machistes scientifiques de cette époque, il se contente d'exposer des injustices et certaines aberrations auxquelles les personnes de couleur étaient confrontées à une certaine époque charnière en Virginie. Le texte et la réalisation se permettent même de rire de ces inégalités absurdes, notamment en montrant tout le chemin que devait parcourir la mathématicienne noire Katherine G. Johnson juste pour se rendre à la salle de bain correspondant à sa caste (à un kilomètre de distance de son bureau). La scène lors de laquelle celle-ci est « vengée » par son supérieur (joué par un convaincant Kevin Costner), outré de la discrimination dont elle est victime, est d'ailleurs plutôt mémorable.
Le récit inspirant de ces trois pionnières est accompagné par une trame sonore dynamique et souvent enjouée. Pharrell Williams (derrière l'irrésistible pièce « Happy »), également producteur du film, est d'ailleurs responsable de plusieurs de ces ballades entraînantes à la sauce des années 50. Taraji P. Henson, Octavia Spencer et Janelle Monáe sont toutes trois extraordinaires à l'écran. Elles nous font nous attacher à leurs personnages et nous y identifier presque d'instinct. Une réalisation sobre et sans artifice de Theodore Melfi (St. Vincent) laisse toute la place à ces actrices étonnantes et leurs personnages fascinants. Mentionnons également le travail exceptionnel de la costumière qui fait ressortir encore davantage ces superfemmes grâce à des tenues toujours somptueuses et élégantes (les femmes voudront avoir accès à la garde-robe de Katherine, Dorothy et Mary).
Hidden Figures souffre peut-être de quelques longueurs, nommément au niveau du développement des vies personnelles des héroïnes. L'histoire d'amour de la brillante Katherine aurait pu être laissée de côté, mais on comprend que les scénaristes ont voulu toucher le coeur des romantiques avec des scènes plus tendres, mais l'amitié entre les trois protagonistes aurait été suffisante pour combler ce besoin de bons sentiments.
Hidden Figures s'avère un heureux mélange entre les films The Imitation Game et The Help. Même ceux qui sont généralement horripilés par les maths (comme moi) seront curieux d'en apprendre davantage sur le pouvoir et le langage des chiffres. Le drame biographique utilise d'ailleurs une équation mathématique pour arriver à ses fins, une recette déjà éprouvée et fonctionnelle. Nous ne sommes pas ici dans des calculs différentiels et intégraux, il s'agit d'une simple addition des bons éléments et une multiplication intelligente des talents.