Présenté l'automne dernier au Festival du Nouveau Cinéma mais resté depuis dans une relative indifférence pour le public francophone, The Trotsky mériterait qu'on s'y intéresse bien davantage. Ses qualités sont nombreuses et rares, et il s'avère aussi agréable que stimulant de par sa manière d'utiliser les « trucs » du cinéma pour atteindre ses objectifs (faire rire, et même émouvoir) et à travers sa vision moderne et respectueuse d'un Montréal bilingue qui relève de la fantaisie. Un film bien plus intelligent et sérieux qu'on pouvait l'espérer. Rien à voir avec les comédies pour adolescents habituelles, malgré l'humour efficace; oui, les personnages sont des ados, mais ils sont aussi loin des clichés. Et le récit s'élève lui aussi au-dessus de la mêlée.
À 17 ans, Leon Bronstein est un adolescent peu commun. Il s'est donné comme mission de créer un syndicat étudiant dans son école publique de l'Ouest de Montréal, malgré l'opposition du directeur de l'école. Parce qu'il est persuadé qu'il est la réincarnation du leader bolchévique Leon Trotsky, il se croit aussi responsable de trouver « son » Lénine, de se marier avec une femme plus âgée - qui pourrait bien être cette avocate de 27 ans, Alexandra - et de s'opposer à son père, un bourgeois juif propriétaire d'usine. Avec l'aide des étudiants désabusés de sa nouvelle école, il attire l'attention des médias et des autres élèves afin de les mobiliser.
Invoquant avec inspiration les notions d'apathie (un désintéressement total) et d'ennui pour parler de cette lubie de bien des adolescents qu'est le socialisme (selon mes informations, ce serait aussi un moment important du début du XXe siècle, mais cela reste à confirmer), The Trotsky est suffisamment inventif pour que ceux qui n'auraient pas une connaissance pointue de la cause s'y retrouvent quand même, sans que cela soit désagréable aux plus concernés. Les petits trucs mis en place par le réalisateur et scénariste Jacob Tierney s'avèrent stimulants et ajoutent à l'humour souvent subtil du film. Tierney démontre un sens du rythme exceptionnel, rendant ses personnages aussi attachants que crédibles.
Une grande part du mérite revient à Jay Baruchel, qui s'est fait connaître aux États-Unis dans plusieurs rôles de soutien (Tropic Thunder, Knocked Up) et qui incarne le personnage principal avec talent, sa gêne maladroite habituelle servant bien les ambitions de Leon et ses relations familiales tendues. Un personnage véritablement attachant. Il reçoit l'appui d'une distribution secondaire talentueuse qui s'avère aussi douée pour l'humour que pour le romantisme, qui est présent par petites doses. C'est un romantisme social qui est ici évoqué : les adolescents sont-ils vraiment complètement désintéressés?
Une brillante utilisation du ralenti mère à une finale particulièrement émouvante et rafraîchissante. Surtout que la « quête de la fille » est reléguée au deuxième (sinon au troisième) plan. Malheureusement, le film s'étire trop et se perd dans quelques divagations référentielles inutiles qui nuisent à son bon déroulement. Rien de dramatique, pourtant le film aurait gagné à être resserré.
The Trotsky est bien plus qu'une comédie pour ados : c'est le film que tous les socialistes du secondaire (comme moi) attendaient. Parce que la Révolution, c'est une chose, mais ce n'est certainement pas une raison pour ne pas s'amuser un peu. Rien n'est trop sérieux dans la vie pour qu'on ne puisse en faire une comédie.