Parfois - même souvent -, il semble qu'on accorde beaucoup trop d'importances aux films pressentis pour la course aux Oscars. Certains méritent l'attention qu'on leur porte (cette année The Artist, dans mon esprit, fait partie de ces bijoux qu'il faut vanter) alors que d'autres laissent plutôt le public perplexe, dubitatif face à un style et une thématique en apparence mal exploitée. Shame fait définitivement partie de ces oeuvres mitoyennes qui plairont sans doute à une certaine classe d'érudits, mais qui, à mon humble avis, ne méritent pas les louanges du peuple et les suffrages de l'Academy. Bien sûr, Michael Fassbender recevra tout de même nomination aux Oscars pour sa « performance », parce que comme Anne Hathaway l'avait si bien dit l'an dernier : « Si on ne peut plus se présenter entièrement nu à l'écran pour recevoir une nomination aux Oscars, où s'en va le monde? ».
Visuellement, esthétiquement, Shame peut aisément être considéré comme une oeuvre d'art. Les gros plans - envahissants, déstabilisants - s'avèrent parfaitement maîtrisés, les longues séquences sans dialogues sont chargées d'angoisses et de tensions, les cadrages inégaux de l'image permettent une obstruction narrative intéressante et les illusions construites grâce aux reflets des miroirs déstabilisent et intriguent. Malheureusement, ce travail méticuleux de réalisation et de direction photo se révèle beaucoup trop présent et accaparant. On ne laisse jamais la chance au récit de se développer normalement. Dès que les personnages s'engagent dans des discussions qui pourraient nous permettre d'interpréter le récit, le cinéaste détourne l'attention des spectateurs grâce à des plans inusités et déconcertants pour un oeil non aguerri.
Le cinéma est un art avec des lois et ses promesses qui lui sont propres. Si on accorde les mêmes contraintes à un poème ou un tableau qu'à une oeuvre cinématographique, on obtient un résultat visuellement réussi, mais, pourtant, vide. Il est évident que la surexplication n'est pas une avenue souhaitable, mais la sous-explication n'est pas non plus la meilleure des solutions. Dans Shame, jamais on ne nous explique qui est réellement le personnage principal, on nous donne des pistes de réponses, des indices, mais rien de concret. Le film manque définitivement de contextualisation parce qu'avec comme seul outil l'interprétation, l'esprit du public part dans tous les sens et il est difficile de le ramener sur les rails.
Michael Fassbender donne tout de même une étonnante performance (et le mérite ne va pas tout à son pénis, je vous rassure). Les nuances de son jeu, son regard toujours préoccupé et son malaise physique constant nourrissent un personnage que le scénario ne décrit que très peu. Carey Mulligan, qui incarne la soeur du protagoniste, est également impressionnante. La longue séquence où elle chante une adaptation soul de New York, New York est l'un des moments les plus marquants et poignants du film.
Vu sa thématique inusitée et périlleuse ainsi que l'effort distinct de réalisation de Steve McQueen, on se demande pourquoi le drame psychologique Shame manque à ce point de viande. Si le but était l'introspection, il fallait fournir au public les instruments pour l'engendrer. Parce qu'à travers les nombreuses séquences de baises et les quelques moments de contemplation, il manque définitivement quelque chose (une histoire?).
Shame fait définitivement partie de ces oeuvres mitoyennes qui plairont sans doute à une certaine classe d'érudits, mais qui, à mon humble avis, ne méritent pas les louanges du peuple et les suffrages de l'Academie.
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