Quand il faudra jeter un coup d'oeil en arrière et examiner la filmographie de David Fincher, on y verra une grande audace et une grande conscience du cinéma. Fight Club et Seven en seront certainement les fleurons. Mais L'étrange histoire de Benjamin Button, aussi maîtrisé soit-il, ne peut entrer dans cette catégorie. Téméraire mais mineur, le film voudrait être une grande fresque qu'il ne peut pas être, tout simplement parce qu'il n'exploite pas entièrement ses possibilités. Long à démarrer sans que ses 2h45 ne s'étirent exagérément, le film raconte une histoire assez banale, si ce n'est que le personnage principal ne rajeunisse au lieu de vieillir. C'est une chose, certes, assez inhabituelle, mais comme cela se passe sur plusieurs années, voire plusieurs décennies... au quotidien, ça ne change pas grand-chose.
Ce sont d'ailleurs les moments « anachroniques » (où un vieillard agit comme un enfant) qui sont les plus « audacieux », mais ils ne durent pas assez longtemps. Et il faut dire aussi que la fin de la vie de Benjamin est particulièrement peu inventive. Sans oublier que, dans un écart grave, le réalisateur a décidé d'installer son film comme un flash-back où, sur son lit d'hôpital pendant qu'un ouragan risque ou ne risque pas de frapper, une mourante demande à sa fille de lire le journal intime de cet homme qu'on appelait Benjamin Button. Les révélations inévitables, étonnamment, sont très peu crédibles et sans intérêt.
À sa naissance, le jeune Benjamin a le corps d'un homme de 80 ans. Au cours des années suivantes, la jeune tenancière d'une maison de retraite pour personnes âgées qui l'a recueilli se rend compte qu'il rajeunit au lieu de vieillir.
La plus grande partie du film est consacrée à ce moment dans la vie de Benjamin où il a l'air de l'âge qu'il a, c'est-à-dire autour de 40 ans. Et le dilemme scénaristique et cinématographique que ni Fincher, ni le scénariste Eric Roth, n'ont pu résoudre, est que Benjamin mène une vie assez commune pour un homme de son âge. Il s'installe avec une femme, s'achète des meubles et fait un enfant. Ça aurait pu être n'importe qui. Bien sûr, la condition particulière de Button lui permet de voir d'un oeil plus attentif le vieillissement et la mort, mais le film n'est jamais aussi éloquent qu'on l'espérait à ce sujet.
Brad Pitt, grandement aidé par des effets spéciaux assez efficaces, s'acquitte bien de sa tâche et s'avère être l'acteur qu'on attendait; convaincant et crédible. Cate Blanchett est délicieuse à toutes les époques, tandis que l'ensemble de la distribution secondaire, plus simpliste voire un peu bête, s'approche davantage de l'attitude qu'aurait un conte ou une fable. Or, cette fable s'avère plus réaliste qu'il ne le faut lorsque Benjamin part pour la guerre ou pour Moscou ou lorsqu'il apprend qui est son vrai père. Pas très féérique tout ça, et le film en souffre en ne sachant quel ton choisir.
Mais il ne fait aucun doute que L'étrange histoire de Benjamin Button mérite l'attention qu'on lui porte, ne serait-ce que parce qu'il est le projet d'un réalisateur qui a maintes fois prouvé qu'il ne laissant rien au hasard. Mais à chaud, comme ça, rapidement, on n'a d'autre choix que d'avoir l'impression que ce film-ci est son oeuvre la moins accomplie depuis un moment.
Il ne fait aucun doute que L'étrange histoire de Benjamin Button mérite l'attention qu'on lui porte, ne serait-ce que parce qu'il est le projet d'un réalisateur qui a maintes fois prouvé qu'il ne laissant rien au hasard. Mais à chaud, comme ça, rapidement, on n'a d'autre choix que d'avoir l'impression que ce film-ci est son œuvre la moins accomplie depuis un moment.