Tout d'abord, l'idée de faire une comédie sur les bandits à cravates en était une brillante; le meilleur remède à un monde de corruption, de perversion, de mensonges et d'immoralités tel que le nôtre est sans contredit d'en rire. Ça nous empêche de pleurer et même, momentanément, d'oublier. Par contre, L'empire Bossé compte de nombreuses failles et déçoit bien plus qu'il ne console. Le scénario, truffé de clichés (volontaires peut-être, mais mal intégrés), s'avère définitivement la majeure faiblesse de l'oeuvre. On a tenté un humour « britannique » - comme le disent haut et fort les principaux intéressés -, c'est-à-dire en retenue, fluide, sans marquer la blague par des jeux de caméra ou des instances particulières des comédiens, mais, malgré toutes les bonnes intentions des auteurs, l'entreprise a foncièrement échoué. Le public ne rit que très rarement dans ce film qui mélange maladroitement drame de moeurs et sarcasme. Heureusement qu'il y a Claude Legault pour sauver le caractère comique de la production avec son personnage attachant de gros nounours qui ne comprend pas tout ce qui se passe, mais qui reste fidèle et honnête (probablement, d'ailleurs, la seule personne franche dans cet amas de bandits).
La réalisation et la direction artistique de Claude Desrosiers sauvent aussi - en partie - la face de L'empire Bossé. Pour représenter chacune des décennies présentes dans le film et pour ne pas que le public perde le fil des années et de l'histoire, le cinéaste a choisi de leur associer une couleur particulière (bleu, orange, vert, etc.), ce qui amène une certaine folie à ce faux documentaire généralement drabe. D'ailleurs, la folie, l'absurdité, l'extravagance représentent (aussi) une lacune importante de l'oeuvre. Avec deux RBO devant la caméra et un autre à la scénarisation, les spectateurs s'attendent instinctivement à ce que l'excentricité de ce groupe d'humoristes québécois transperce l'écran, nous déconcerte et nous étonne, seulement le style emprunté par L'empire Bossé ne peut se permettre des écarts de conduite. On veut être sérieux tout en étant comique, on veut faire réfléchir la population tout en lui permettant de se divertir; des intentions trop exigeantes pour une comédie aussi astreignante.
Quand on s'en prend à des personnages ou à des situations réelles dans une comédie, les chances de plonger dans le cliché sont d'autant plus grandes. Dans L'empire Bossé, il est très facile - pourvu qu'on connaisse le moindrement l'histoire du monde des affaires québécois -, d'associer les évènements de la vie de ce bandit de la finance à des phases véridiques de l'entreprenariat québécois. En fait, les similitudes sont si évidentes et les liens si enfantins à faire qu'on ne s'engage jamais vraiment dans le récit, trop préoccupé par la reconstitution historique (et caricaturale) qu'on nous propose. L'idée d'avoir invité certains entrepreneurs notables du Québec pour témoigner dans la fausse biographie de Bossé en était, par contre, une pertinente. Lise Watier, Gilbert Rozon et les autres donnaient une certaine notoriété à ce personnage fictif qui aurait pu, dans le monde réel, fréquenter les plus riches et influents d'entre nous.
Jamais les incursions de Guy A. Lepage dans le monde du cinéma n'ont été très prolifiques; Camping sauvage était grotesque et je tente encore d'effacer les dommages qu'a eu L'appât sur mon cerveau. Sans nier ses qualités d'auteur, d'animateur et de producteur, on peut difficilement affirmer que ses talents d'acteur attirent les foules dans les salles et sont suffisants pour soutenir un film à eux seuls. Comme au Québec, depuis quelques années, on essaie de nombreux genres, de nouveaux styles, de nouvelles approches, on peut excuser L'empire Bossé pour cette ingérence ratée dans le monde de l'humour britannique, par contre, on ne pourra lui épargner les nombreuses nominations aux Aurores de Jean-René Dufort l'an prochain. Je vois déjà les catégories : Pire accessoire pour la bedaine de Claude Legault, Pire interprétation pour toute l'équipe du film et Pire réplique pour « Dans six mois, tout le monde aura oublié. Les Québécois sont tellement bonasses, ils ne sont pas capables d'en vouloir longtemps à quelqu'un ». Pour ça, on verra...
Heureusement qu'il y a Claude Legault pour sauver le caractère comique de la production avec son personnage attachant de gros nounours qui ne comprend pas tout ce qui se passe, mais qui reste fidèle et honnête (probablement, d'ailleurs, la seule personne franche dans cet amas de bandits).
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