L'autre maison de Mathieu Roy est un film prenant, éloquent, doucereux - un film qui n'apporte pas beaucoup d'exotisme à l'industrie du film québécois par contre, en ce sens qu'il suit une lignée dramatique que beaucoup d'autres cinéastes exploitent -, mais un film serein qui fait preuve d'une humanité telle qu'elle nous transporte et nous berce lentement pendant un peu moins de deux heures. Parce que même si le long métrage traite de sujets graves et lourds; l'Alzheimer, l'alcoolisme, la jalousie, la relation père-fils et même la guerre, il en ressort une quiétude rare.
La performance incroyable de Marcel Sabourin est probablement l'une des premières choses qui nous frappe à l'écoute de ce film. Son Henri Bernard est crédible, intense et touchant. Tous les gens ayant été témoins de la lente déchéance d'une personne atteinte d'Alzheimer comprendront la justesse du jeu de Sabourin et la perspicacité des textes de Roy. Émile Proulx-Cloutier est également très habile dans le rôle d'un homme torturé, ancien alcoolique, qui prend soin de son père pendant que son frère aîné fait le tour du monde dans le cadre de ses fonctions de journaliste. Roy Dupuis fait également un travail formidable, ce n'est tout simplement pas lui que l'on remarque d'emblée, rapidement esquivé par les performances de Sabourin et de Proulx-Cloutier.
Les paysages bucoliques sont aussi magnifiques, en accord avec la traînante maladie de l'aîné. La réalisation de Roy est juste, souvent discrète, mais toujours à l'écoute du jeu imposant des acteurs. Il y a une douceur dans les images de Roy, une fluidité enviable et profitable. En plus d'être magnifiquement exécutés, ses gros plans et ses plans américains parlent beaucoup, presque autant que certains dialogues plus corsés. Les scènes dans lesquels ont retrouve le vieux fugueur dans les bois sont sublimes et aussi très parlantes. La séquence où l'homme visite le centre pour personnes âgées avec son fils renferme également beaucoup d'émotions.
Le film puissant possède tout de même certaines faiblesses. Quelques scènes paraissent plaquées; comme celle du frère dont le véhicule blindé de l'armée explose sur une mine lors d'un voyage en Afghanistan (qui mène à une discorde entre frères : « mon malheur est pire que le tien ») et des éléments esthétiques plutôt insipides, sketchy même, comme les reflets des visages des protagonistes dans l'eau qui disparaissent graduellement.
L'autre maison est réussi. Il ne s'agit pas d'une oeuvre novatrice, ni mémorable, mais on peut sans aucun doute parler d'une victoire au point de vue émotionnel et artistique. On peut imaginer d'ailleurs que Marcel Sabourin recevra sa nomination au Jutra, et peut-être même Roy, pour une réalisation intègre et polie (dans les deux sens du mot).