Les films populaires doivent être des oeuvres à part entière, elles ne doivent pas nécessiter de connaissances générales de la part du spectateur ou de quelconques compétences intellectuelles. Bien sûr, il y a des productions aux visées expérimentales ou strictement artistiques, sans prétention commerciale, qui ne sont pas tenues d'obéir à cette règle d'intelligibilité, mais dans le cas présent de L'autre Dumas, qui semble envisager toucher un large public (un film français de ce type présenté dans plus de 10 salles au Québec est tout de même un signe de ses aspirations de grandeur) l'astreigne à obéir aux contraintes d'accessibilité. Le long métrage de Safy Nebbou n'est pas mal construit ou fondamentalement compliqué, mais, pour l'apprécier pleinement, le public se doit de connaître certains détails de la vie du romancier français Alexandre Dumas qui vont au-delà de la simple étiquette d'auteur des Trois mousquetaires. Peut-être est-ce un personnage étudié, familier pour les Français, mais de notre côté de l'océan - mis à part le titre de ses oeuvres célèbres - cet artiste narcissique nous est plutôt étranger.
Auguste Maquet travaille depuis de nombreuses années dans l'ombre du célèbre Alexandre Dumas. Alors qu'il est en voyage avec ce dernier, une jolie révolutionnaire le confond avec le romancier français. Malgré ses quelques tentatives pour corriger la jeune femme, Maquet finit par nourrir la méprise et se dit être l'honorable Dumas. Éblouie par son amour pour elle, Maquet lui promet de l'aider à libérer son père, incarcéré depuis nombre d'années. Bien vite, Dumas et son faussaire sont au pris dans un complot révolutionnaire qui les dépasse.
Benoît Poelvoorde livre une performance intense et sensible dans le rôle du sous-fifre d'Alexandre Dumas, alors que Gérard Depardieu, semblable à lui-même, nous dépeint un romancier prétentieux et pourtant immensément tourmenté. Mélanie Thierry, magnifique et obstinée, illumine également l'écran grâce à une maitrise impeccable d'un personnage instinctif.
Les décors et les costumes sublimes nous plongent allègrement au coeur de cette époque chaotique de l'histoire française. Une réalisation généralement retenue et posée - et qui le reste malgré les engouements révolutionnaires des protagonistes et les insurrections du peuple - assiste les interprètes d'un début serein à une fin qui l'est tout autant. La qualité de la langue (un vieux français presque aussi magnifique que l'accent britannique) rehausse également la plausibilité du récit et la noblesse de la reconstitution d'époque.
Certaines informations, qui nous sont livrées en conclusion, auraient été plus pertinentes en amorce. Peut-être voulait-on créer un effet de surprise en fin de récit et nous amener par la suite à considérer l'oeuvre de manière différente - ce qui est loin d'être un mauvais procédé -, mais, vu le nombre limité de renseignements historiques ou politiques qu'on nous communique au cours du récit, ces informations (même si secondaires) aurait été précieuses à notre compréhension et appréciation du film.
Comme bien d'autres avant lui, L'autre Dumas est un film français intéressant, mais qui s'embourbe dans des débats qui le dépassent et qui nous donne peu de moyens pour les assimiler et les interpréter. Lorsqu'un film nécessite un approfondissement préalable du sujet, de l'époque ou des oeuvres connexes (les trois dans le cas présent), il dépasse l'objectif commercial du divertissement et fractionne inévitablement son public. Une démarche plutôt décevante pour un long métrage qui avait pourtant les qualités nécessaires à majestueuse reconstitution d'époque.
Comme bien d'autres avant lui, L'autre Dumas est un film français intéressant, mais qui s'embourbe dans des débats qui le dépassent et qui nous donne peu de moyens pour les assimiler et les interpréter.
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