Le premier effort de réalisation de Luc Picard a une belle intensité dramatique, malheureusement diluée dans un scénario incertain. Tellement qu'il devient difficile de bien saisir les motivations des personnages, de bien s'y attacher. Pourtant, l'émotion est au rendez-vous.
On pourra peut-être tout reprocher à L'audition, mais certainement pas sa force dramatique. Picard débute et termine merveilleusement son histoire, créant instantanément grâce à la simplicité et l'ambiguïté des situations une émotion brute, évocatrice. Il joue cependant souvent sur deux tons, mène souvent deux histoires en parallèle, et c'est ce qui n'est pas au point. D'abord parce que certains moments semblent inutiles au récit, ils ne font que le ralentir. Pourtant, d'autres fois, ce sont les personnages qui évoluent trop vite, sans qu'on ne saisisse vraiment pourquoi ou qu'on ne le justifie. Le personnage de Picard, Louis, par exemple, est gêné, malhabile, et se transforme soudainement en un acteur plein d'assurance. Il va sans dire que cette transformation étonne beaucoup, et ne convainc pas non plus complètement.
Louis, à 40 ans, caresse toujours son rêve d'enfant de devenir acteur. Sauf que, en attendant, il règle des comptes avec des gens qui ne paient pas leurs dettes. Il habite avec Suzie, qui n'en peut plus de le voir faire ses sales boulots chez elle. Pendant que Louis obtient une audition pour un rôle et qu'il s'entraîne avec l'acteur le plus populaire du moment, Suzie, elle, apprend qu'elle est enceinte, et elle ne veut pas le dire à Louis…enfin pas tout de suite.
C'est entre le début et la fin que tout se gâte. Les événements qui s'enchaînent ne semblent pas toujours liés entre eux, certaines péripéties semblent forcées, un peu inadéquates dans ce film intimiste. Une fois qu'on a bien défini tous les personnages, qu'ils sont familiers, on en insère d'autres qui subiront les tribulations décrites par le scénario. C'est moins impliquant pour le spectateur, même si c'est effectivement très triste et émouvant dans les faits, seulement l'impact aurait pu être beaucoup plus percutant. Les dialogues semblent aussi un peu irréalistes par moments, ou c'est qu'ils sont trop souvent anodins même s'ils parlent de choses sérieuses.
Luc Picard, qui a remporté le prix du public pour sa performance au FIFM, semble évidemment très à l'aise dans un rôle qu'il a lui-même écrit. Denis Bernard est le plus convaincant, à la fois en crédibilité et émotionnellement. Alexis Martin sert de bouffon de service et, sans pouvoir lui reprocher, disons que son personnage se contente des stéréotypes du genre. Suzanne Clément cherche manifestement une direction à donner à son personnage, et le résultat, même s'il est parfois étonnant, n'est pas toujours pertinent. Dans l'ensemble, la distribution sait éviter les clichés, et heureusement, car cela ajoute de la sympathie et de la vraisemblance à leurs personnages.
Tout ça pour en venir à une finale d'une rare intensité, si belle et si honnête, presque dépourvue, qu'elle fait oublier, au moins pendant quelques instants, les lacunes du scénario, dont le dénouement lui-même, qui arrive d'un peu nulle part. Sinon, la réalisation de Luc Picard demeure dans les sentiers battus, évite les folies et les excès. Comme déclaration d'amour à son enfant, le résultat est plus-que-satisfaisant. Le film est plus solide lorsque divisé en séquences, c'est leur agencement qui semble parfois incertain.
L'audition repart du FIFM avec trois prix, celui pour la prestation de Luc Picard, le prix du public (entièrement prévisible), et l'Iris d'or, remis par le jury au meilleur film de la compétition. Trop d'honneurs pour un film qui est un peu meilleur que bon, mais qui montre encore beaucoup trop de lacunes pour être si grassement décoré. Bon, ça ne veut pas dire que l'avenir s'annonce mal pour Luc Picard - au contraire même - son film a de nombreuses qualités qu'on voudrait voir mieux ajustées dans un prochain projet. Un projet qu'on attendra avec le même œil compréhensif que celui-ci, mais avec les mêmes attentes, parce que L'audition est loin d'être décevant, simplement un peu mal accordé.
Le premier effort de réalisation de Luc Picard a une belle intensité dramatique, malheureusement diluée dans un scénario incertain. Tellement qu'il devient difficile de bien saisir les motivations des personnages, de bien s'y attacher. Pourtant, l'émotion est au rendez-vous.
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