La femme malade mais irrésistible qui enchaîne les relations intimes insignifiantes pour ne pas devenir un boulet dans la vie d'un autre, c'est un sujet touchant, certes, mais qui a été exploité par tant de Une promenade inoubliable et Doux novembre de ce monde, qu'il devient rapidement lassant, presque facile. Le film est noyé sous d'assombant clichés, qui l'empêche de s'épanouir et de se forger une unique personnalité. Au lieu d'apprécier les images qui s'activent sous nos yeux, on a plutôt tendance à associer les dénouements de l'intrigue à ceux d'autres oeuvres que l'on a vu précédemment.
De situer l'histoire à la fin des années 90, lors de la commercialisation d'un médicament contre le dysfonctionnement érectile qui allait changer l'image de la compagnie Pfizer à jamais; le Viagra, était pertinent voire inventif. Le public aime se situer dans une époque, aime voir l'envers d'évènements majeurs qui ont marqué sa mémoire. Mais évidemment, comme c'est trop souvent le cas à Hollywood, on ne peut que nous raconter simplement le triomphe d'une nouvelle drogue douce, on doit obligatoirement nous dépeindre en parallèle le récit touchant - et improbable (tiré de faits vécus ou pas) - d'un grand tombeur égoïste ayant abandonné ses études prometteuses en médecine pour l'appât du gain et d'une jeune femme excentrique atteinte de la maladie du Parkinson à seulement 26 ans. Et comme tous le prévoient, le beau macho finit par s'éprendre sauvagement de la belle, abandonne ses ambitions mercantiles et retourne aux études dans l'espoir de résoudre un jour le mystère qui entoure la maladie de sa dulcinée. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants.
J'entends déjà ces éternelles romantiques me traiter de cynique et d'insensible. Bien au contraire, si cette histoire m'était racontée en quelques minutes par un convive dans un 5 à 7, je me pâmerais de la fraîcheur d'une telle anecdote, mais, dans un film, cette narration devient rapidement barbante et surfaite. Les protagonistes représentent tous un stéréotype harassant; le jeune premier qui n'a jamais prononcé les mots « je t'aime »; la jeune femme atteinte d'une maladie dégénérative grave et le frère obsédé qui crèche sur le divan de son aîné. Seul le personnage d'un médecin avide et dépravé, qui a perdu, il y a bien longtemps, toutes ses aspirations salvatrices, et qui est consterné par les limites de son métier sort légèrement des sentiers battus et soulève certains sujets chauds et pertinents. Si l'on s’était permis d'exploiter davantage cette avenue – que ce soit les barrières étouffantes du système de santé aux États-Unis ou bien simplement la tyrannie des maladies incurables - on aurait peut-être évité plusieurs stéréotypes et encouragé la réflexion (mais veut-on réellement qu'on y réfléchisse?).
L'inefficacité de la narration n'est pas due à des impairs d'Anne Hathaway ou de Jake Gyllenhaal, qui donnent tout deux une performance compétente. La chimie, essentielle pour la réussite d'une comédie ou d'un drame sentimental, est ici crédible, même enviable par moment (on est loin de la relation improbable entre Sandra Bullock et Bradley Cooper dans l'horrible Tout pour Steve). Mais, malgré cette belle rencontre à l'écran, on ne peut se remettre des illogismes du récit et de toutes les dispositions absurdes qu'il prend pour maintenir notre intérêt (on va même jusqu'à l'orgie pour nous convaincre).
L'amour et les autres drogues n'est malheureusement qu'un autre analgésique bon marché qui, malgré ses apparences innovantes et optimistes, entraîne d'importants effets secondaires et réprime, comme tant de ses prédécesseurs, le progrès.