Même s'il s'inscrit parfaitement dans la logique de la filmographie de Robert Morin, qu'il découle directement et rationnellement de Petit Pow! Pow! Noël et de Papa à la chasse aux lagopèdes, il est fort probable que Journal d'un coopérant laisse perplexe. Pas parce que le mécanisme de fictionnalisation du réel (au fond, c'est plutôt l'inverse, un mécanisme « d'authentification de la fiction ») n'est pas au point, bien au contraire. Morin est passé maître dans l'art d'avoir l'air vrai. Même comme acteur (après l'expérience peu concluante de Nuages sur la ville), il est criant de vérité. Le problème, ici, c'est plutôt qu'on ressent mal les conclusions proposées par le film, qui propose dans un premier temps un portrait d'arrière-plan (prévisible) de l'Afrique, avant de se tromper apparemment de cible.
Jean-Marc Phaneuf, un électronicien célibataire de 43 ans, se rend en Afrique pour travailler auprès d'une ONG qui donne accès à de petites communautés à une station de radio fonctionnelle. Vivant dans un luxe presque indécent, Jean-Marc s'interroge et observe le peuple africain au cours de ses déplacements. Alors que la petite-fille de sa cuisinière vient profiter de sa piscine de plus en plus souvent, il remarque certaines activités suspectes autour de lui.
Comme la plupart des problèmes connus du continent africain sont abordés dans Journal d'un coopérant (famine, logement déficient, milices, guerres civiles, etc.), on pourrait facilement le méprendre avec un film« engagé ». Heureusement, comme il ne s'agit ni d'un documentaire ni d'un film éditorialiste, on évite le misérabilisme (erreur élémentaire) et la simplicité. Pas de Vision mondiale ici. Les personnages secondaires - les Africains - sont traités avec le respect de rigueur de l'observateur conscientisé. À certains moments, on prête même au film des intentions dénonciatrices. Et c'est parce que la finale ne s'y confine pas qu'elle semble particulièrement incongrue.
Et ce, même si autant les comédiens que la caméra « amateur » du cinéaste sont aussi efficaces que d'habitude. Par plusieurs petites métaphores et illustrations révélatrices, l'auteur (et cinéaste) décrit mieux qu'en dénonçant ouvertement. Encore une fois, l'éloquence de la simplicité prouvée par cent par Robert Morin. De sa part, ce n'est plus une surprise, pas plus, d'ailleurs, que ce don pour aborder des sujets brûlants d'actualité.
Il faut cependant dire que ce dénouement (dont on a bien essayé de parler à mots couverts), ne demeure pas secret très longtemps, et que les indices laissés par Morin, s'ils sont savants, sont bien peu subtils. Un dénouement qui subtilise l'anecdotique à l'universel. Car, ne nous méprenons pas, la grande qualité des films de Robert Morin c'est bien de parler d'une expérience universelle à travers un personnage canonique. Mais pas cette fois. Ne reste que la puissance de la métaphore, qui est bien réelle, mais diluée par ces questionnements; encore un exemple de l'homme blanc, occidental, qui vient exploiter les « richesses » du continent noir. C'est trop simple, bien trop simple et bien trop connoté moralement pour avoir l'impact espéré.