On peut laisser échapper un soupir de soulagement : This is 40, de Judd Apatow, est bien meilleur que Funny People (qui a plutôt bien vieilli, remarquez). Même s'il est construit sur le même moule, le nouveau film du pape de la comédie américaine (lorsqu'il ne réalise pas, il produit) est suffisamment drôle, bien rythmé malgré quelques longueurs et assez imprévisible pour désarçonner à plusieurs reprises. Parce qu'il n'est pas construit comme une comédie classique avec des enjeux clairement définis, avec un objectif à atteindre ou un ennemi à vaincre, la construction dramatique parvient à dresser un portrait cohérent de la vie de famille - dans les limites, bien sûr, de la bourgeoisie californienne.
Apatow fait à nouveau preuve de cette grande faculté d'observation qui l'a consacré comme réalisateur comique. This is 40, qui est décrit comme une « sorte de » suite à Knocked Up, reprend d'ailleurs les mêmes thèmes et les mêmes obsessions que tous ses films : sa femme, Leslie Mann, et ses filles sont à l'avant-plan, on y parle de sexe et du quotidien, d'intimité, du travail et de difficultés financières. Sans être révolutionnaire, le traitement parvient à commenter ces thèmes sans tomber dans la simple répétition d'autres films qui abordaient les mêmes sujets.
Comme il n'y a pas véritablement de construction dramatique, et comme on n'attend pas à chaque instant le prochain gag, on reste sur le qui-vive, à l'affût du prochain développement, de la prochaine bonne mauvaise idée qu'auront Pete et Debbie et qui va mener à une dispute. On sent parfois lourdement cette construction en sketchs. Lorsqu'il est suffisamment incisif, Apatow parvient à faire rire de bon coeur, et même parfois à faire réfléchir. L'humour est efficace et imprévisible, cohérent et le plus souvent en phase avec les personnages; c'était absolument nécessaire et c'est d'ailleurs ce qui fait la qualité de l'humour d'Apatow.
L'un des problèmes de This is 40 - comme c'était d'ailleurs le cas avec le film précédent - est la multiplication des personnages secondaires inutiles et jetables qui, au final, n'ajoutent rien à la trame narrative. Ils sont si nombreux qu'aucun ne se démarque; cette manière de faire a ses avantages, comme celui d'avoir l'impression d'un perpétuel mouvement, de discussions et de disputes jamais terminées et toujours remises à plus tard, d'ébats interrompus; de l'effet de la vie sur la vie, en quelque sorte. L'inconvénient, c'est de créer plusieurs longueurs, surtout dans un film qui, à 2h15, dure une bonne vingtaine de minutes de trop.
Il y a une fine ligne entre réalité et fiction et le cinéma est constamment entre les deux. La comédie ne s'en sort pas; si le contexte est ici tellement spécifique qu'il ne saurait être envisagé socialement, si la mise en situation est tellement forcée qu'elle est improbable, ce sont les observations humaines, sous le couvert de l'humour, qui sont ici très justes. Dans un bon film de science-fiction, c'est la même chose : le contexte est irréaliste, mais les personnages sont vrais et on s'y attache. Ce n'est pas tellement différent ici.