C'est toujours agaçant lorsqu'on nous vend un film de la mauvaise manière, avec des arguments qui ne respectent pas la mentalité ni les fondements de la production. Flight, avec sa bande-annonce et ses publicités frénétiques, nous proposait un écrasement d'avion et un débat intéressant entourant l'idée qu'un héros pouvait perdre son titre honorifique rapidement si on découvrait ses failles et les exposait au monde. Malheureusement, Flight est bien davantage un drame sur un alcoolique invétéré qui nie son problème de dépendance qu'une tragédie retraçant un accident aérien. Cela dit, le drame intimiste n'est pas désagréable et nous amène à passer un bon moment, mais ceux qui s'imaginent aller voir un film catastrophe ou le portrait d'un héros du quotidien seront irrémédiablement déçus.
Comme on ne se s'attend pas nécessairement à ce genre d'histoire grave et poignante à prime à bord, Flight semble trop souvent tomber dans un ton mélodramatique déplorable. Le récit de cet homme irrécupérable qui ne veut pas avouer sa subordination à l'alcool, nous l'avons vu des centaines de fois au cinéma, et ailleurs. Le fait qu'il ait sauvé une centaine de personnes en faisant atterrir un avion commercial dans un champ grâce à des pratiques peu orthodoxes et qu'il risque la prison à vie pour avoir réalisé ce miracle enivré, amène heureusement un aspect distinctif à cette histoire que nous avons entendue cent fois.
L'écrasement et les pratiques qui le précèdent paraissent réalistes (même si mes connaissances en matière de crash restent - heureusement - limitées) et le travail de réalisation pour rendre le tout dynamique et excitant est bien exécuté par un Robert Zemeckis discret mais efficace. Le mouvement frénétique de la caméra pour illustrer la turbulence ou le désordre dans un avion en chute libre alimente la confusion du moment, et transporte le public dans cet appareil en flamme jusqu'à lui donner des sueurs froides. Après l'écrasement (qui a lieu dans les quinze premières minutes), on plonge dans le récit d'un pilote alcoolique et la caméra devient beaucoup moins ostensible. Elle se transforme en une fenêtre par laquelle on observe discrètement le crash d'un homme.
Denzel Washington (énormément apprécié par les Québécois pour une raison qui m'échappe encore) se montre convaincant dans le rôle principal, nous amenant à le détester, à la plaindre et à l'aimer, à différents moments. Don Cheadle est aussi bien éloquent sous les traits d'un avocat de Chicago, tout comme Kelly Reilly qui interprète une toxicomane en réhabilitation. Mais, celui qui livre la performance la plus mémorable s'avère certainement John Goodman avec sa longue tresse et sa sacoche en macramé qui incarne un vendeur de drogues pour le moins excentrique.
Flight, avec son empreinte Zemeckis, qui avait une importance plus grande à une certaine époque, parvient (malgré ses quelques défauts) à désennuyer le spectateur qui s'étonne qu'une oeuvre dramatique de 139 minutes puisse sembler si courte. Son scénario serré et intelligent nous transporte et nous fait (heureusement) oublier la proposition, plus homérique, du départ.