Vu au Festival du Film de Toronto.
Premier film de Natalie Portman en tant que réalisatrice, A Tale of Love and Darkness a de quoi ébranler et toucher. Le long métrage est inspiré des mémoires du poète, romancier et essayiste israélien Amos Oz. Il dépeint la relation que le jeune Oz avait avec sa mère lorsqu'il était petit, au moment de la création de l'État d'Israël dans les années 1940.
La richesse principale de ce film se trouve dans ses nombreuses allégories, métaphores et paraboles visuelles. La cinéaste a définitivement un talent particulier pour transmettre une émotion à travers l'image. L'une des premières scènes, alors que l'héroïne prépare le bortsch (potage national ukrainien) et que la mixture rouge à base de betteraves se mélange à l'eau dans laquelle flottent des légumes, est émotionnellement chargée, même s'il ne s'agit que, dans les faits, d'une femme en train de faire à manger. On voit le sang se répandre sur les pavées et les corps se faire estropiés (... oui tout ça dans une soupe!).
La protagoniste du film raconte souvent des histoires à son fils, qui prennent vie sous nos yeux. Ces contes philosophiques apportent une fantaisie à ce drame qui gagne en intensité et en gravité au fil des minutes. Le long métrage ne remâche pas non plus les mêmes morales que nous avons l'habitude d'entendre au cinéma. « Mieux vaut être sensible qu'honnête » est, par exemple, l'une des valeurs que la mère tente d'inculquer à son fils.
Le récit en est d'abord un sur une situation géopolitique difficile, sur la guerre, sur le rôle d'un enfant au sein d'un conflit diplomatique, mais il devient rapidement un drame psychologique sur les revers de la maladie mentale. C'est peut-être ce manque de cohérence qui nous donne l'impression que A Tale of Love and Darkness est un casse-tête grandiose qu'on n'arrive pas à terminer parce qu'il nous manque trop de morceaux. Sa mélancolie intrinsèque devient écrasante et bien qu'on comprenne l'intérêt de la cinéaste à insister sur la perdition psychologique dont est victime la mère, on aurait apprécié une mise en contexte plus évidente.
Portman est une interprète aussi talentueuse qu'une cinéaste dans le cas qui nous intéresse ici. Elle joue avec une intensité désarmante du début à la fin, capable du sourire le plus radieux et du désespoir le plus profond. A Tale of Love and Darkness est certainement un premier film réussi pour l'actrice oscarisée. On s'imagine qu'on ne voit que la pointe de l'iceberg...