La fiction au cinéma est souvent rassurante. Même si le sang gicle abondamment dans les films de Tarantino, même si les ravisseurs de Funny Games sont si perturbants et inquiétants, on se réconforte en se disant que ces idées dérangeantes proviennent de l'esprit décadent d'un artiste marginal et qu'elles sont bien loin de notre sécurisante réalité. Mais Jacques Mesrine a vraiment existé, les meurtres abominables qu'il exécute, les gestes irrémissibles qu'il pose dans le film ont été commis « pour vrai ». Bien sûr, on peut toujours s'accrocher au couvert de l'adaptation, présumant que la « romantisation » des faits a influencé le résultat final, mais, au fond, nous sommes tous plus que conscients que la violence et la terreur ne sont pas qu'au cinéma.
Après avoir servi pour la France lors de la guerre d'Algérie, Jacques Mesrine rentre chez lui et gagne sa vie en exécutant des vols et des règlements de compte pour un caïd du marché noir nommé Guido. Il rencontre sa femme, avec qui il aura trois enfants, lors d'un voyage en Espagne. Un jour, pour fuir ses ennemis dispersés en France, Mesrine déménage au Québec avec sa maîtresse, Jeanne Schneider. Il y rencontre alors Jean-Paul Mercier, un partisan du FLQ, avec qui il tente de frauder un millionnaire montréalais. Suite à ce crime, les deux hommes sont arrêtés et jetés en prison. Ils s'échappent et parcourent le Québec en cambriolant des banques. Jacques Mesrine est alors considéré par plusieurs journaux québécois comme l'ennemi public numéro un.
Le film est plus qu'un simple essai biographique sur la vie tumultueuse d'un assassin; il provoque une réflexion, il engendre un débat moral sur différents aspects de notre société : le traitement que l'on devrait réserver aux criminels ou les principes auxquels chacun adhère, mais que plusieurs finissent par enfreindre eux-mêmes. Les scènes qui se déroulent dans l'Unité spéciale de correction (principalement l'isolement et l'évasion du héros) sont d'une judicieuse intensité. La sublime performance de Vincent Cassel en est pour beaucoup dans cette réussite cinématographique d'une force et d'un réalisme saisissant. Il incarne à la perfection ce personnage complexe, qui a bien essayé d'être un homme séant, mais qui finit toujours par être attiré par l'illégalité et l'abus. Roy Dupuis est également très compétent dans le rôle du québécois indépendantiste extrémiste.
Le scénario est rédigé avec concision et discernement malgré quelques longueurs et certains choix scénarisques discutables. Les auteurs ont préféré illustrer - dans le premier film du moins - davantage la vie familiale du criminel, sa vie sentimentale, plutôt que ses expériences criminelles. Quelqu'un qui ignorerait le passé, les antécédents de cet homme, se questionnerait sur les fondements d'une telle haine sociétaire, d'une telle rancoeur envers les autorités (bien sûr, ses meurtres les plus sadiques nous sont montrés explicitement, mais les nombreux braquages et transgressions qu'il a commis avant son arrivée au Québec sont à peine cités).
Un bon film est souvent une oeuvre qui se permet d'aller plus loin, qui ne se limite pas aux frontières du récit, qui plonge plus intimement dans les abysses du personnage pour provoquer une réflexion, pour perturber les préceptes du spectateur; Mesrine : L'instinct de mort (et sa suite, qui prendra l'affiche plus tard ce mois-ci) est l'une de ces créations marginales. Parce qu'on peut tenter de le nier ou prétendre innocemment qu'on l'ignore, mais la violence, la torture et la bestialité ne sont pas des procédés cinématographiques.
Un bon film est souvent une oeuvre qui se permet d'aller plus loin, qui ne se limite pas aux frontières du récit, qui plonge plus intimement dans les abysses du personnage pour provoquer une réflexion, pour perturber les préceptes du spectateur; Mesrine : L'instinct de mort est l'une de ces créations marginales.
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