Un diptyque doit être distinctif, il doit exploiter un thème particulier et suffisamment accessible et captivant pour convaincre les cinéphiles de débourser à deux reprises pour voir un seul (et long) film. Mesrine a, sans aucun doute, les qualités requises pour attirer les gens dans les salles; intelligent, absorbant et même, à certains moments, dérangeant et tragique. Le deuxième chapitre des aventures du truand narcissique qui a terrorisé la France et le Québec pendant dans années est encore plus passionnant que le premier. On explore une facette de la personnalité du criminel - son égocentrisme bourgeois et son attirance pernicieuse pour la célébrité - qui nous amène à nous questionner sur la perversité humaine, sur nos lois et la possibilité de les enfreindre. Jacques Mesrine disait être un contestataire, un révolutionnaire, mais il ne faisait (finalement) que se complaire dans l'anarchie. C'est un personnage fascinant, riche et complexe qui mérite amplement les quelques heures qu'on lui a consacrées.
Après toutes ses évasions spectaculaires, ses vols impressionnants et ses méthodes particulières pour esquiver la justice, les médias finissent par proclamer Jacques Mesrine comme « l'ennemi public no. 1 ». Le criminel ne pourrait être plus fier... Il va même jusqu'à donner des entrevues à certains journalistes pour que son nom demeure dans l'esprit collectif. Son règne se termine le 2 novembre 1979 lorsque le commissaire Broussard, qui le traquait depuis des lunes, le tue en plein jour.
Après l'avoir introduit assez sommairement dans le premier film, on s'attarde davantage à la psychologie du personnage - sa répartie, son autolâtrie - dans la suite. Encore une fois, Vincent Cassel est incomparable sous les traits de Jacques Mesrine, on en vient presque même à s'attacher à cet être malicieux qui a montré au monde les failles du système juridique français. Ses acolytes à l'écran, Mathieu Amalric et Olivier Gourmet, qui incarnent respectivement l'un des alliés du protagoniste et le commissaire qui l'a - enfin – assassiné aux yeux de tous, sont également intraitables dans leur jeu.
Mesrine : L'ennemi public no. 1 nous garde en haleine du début à la fin. Sans temps mort, le long métrage nous entraîne à travers champs et villes, témoin de l'évasion et de la retraite de l'un des plus grands malfrats français. Passablement instinctif et imprévisible, Mesrine amène le spectateur à craindre son extravagance, les limites de son sens moral (ira-t-il jusqu'à tuer une famille entière pour s'assurer de leur silence? à quel point il est prêt à collaborer avec les journalistes pour qu'on glorifie ses actes?).
Même si certains évènements nous semblent insensés (pourquoi l'ennemi public numéro un peut-il se promener au grand jour sans que personne ne l'arrête, sans que personne ne le reconnaisse?), on ne peut qu'assumer les faiblesses de la brigade policière et l'aveuglement volontaire de la population puisque le récit nous affirme s'inspirer de l'histoire vraie. On ne peut évidemment endosser tous les détails (parfois saugrenus) du récit sous prétexte de la réelle existence du « héros » – après tout, personne n'était présent aux côtés du criminel pour noter tous ses faits et gestes – mais de savoir (et pour certains, d'avoir été témoin), que la plupart des faits véhiculés dans le film sont historiquement fidèles à la chronologie des évènements, on consomme l'oeuvre d'une manière différente, plus introspective, plus subjective.
Jean-François Richet a su transmettre au public toute la subtilité, les nuances et la précarité du personnage qui, tout compte fait, serait le plus ravi d'entre tous que plus de trente ans après sa mort, on parle encore de lui et de ses actes haineux et provocateurs. Le roi est mort, vive le roi!