Le film s'amorce sur Joseph Gordon-Levitt en Philippe Petit dans la torche de la Statut de la Liberté avec son célèbre col roulé noir et qui s'adresse directement à la caméra en nous présentant son histoire. Briser le quatrième mur au cinéma peut parfois être perçu comme un geste audacieux (peut-être est-ce d'ailleurs pour exprimer le cran de Petit que Zemeckis a fait ce choix narratif), mais ici le sentiment d'étrangeté n'en est pas un particulièrement positif. On sent l'écran vert et la fausse ville derrière le narrateur et on a un peu l'impression qu'on nous infantilise. On se dit que cette décision bicornue nous sera sûrement expliquée plus tard dans le film, mais non...
Zemeckis a fait d'autres choix cinématographiques particuliers, notamment au niveau de la trame sonore. La musique est omniprésente dans The Walk. Alors que par moment, le bruit des cordes qui s'étiolent, des fils qui grincent et du tambourinement du coeur de Petit dans sa poitrine auraient été suffisant pour apporter une tension dramatique solide, Zemeckis est allé y apposer une musique orchestrale qui finit par nuire à ce sentiment de vertige qu'on essaie si fort de nous faire ressentir.
Le réalisateur a, par contre, trouvé ici une raison valable (et la seule) à l'utilisation de la 3D. Dans The Walk, la stéréoscopie contribue à l'évolution de l'histoire. La 3D devient « utile », un mot qu'on emploie rarement pour parler de la contribution des images en relief dans un film. Elle apporte cette impression de vide que Zemeckis utilise pour présenter son personnage et son rêve.
D'ailleurs, même si Petit était un Français, ce rêve qu'il chérissait nous est présenté comme étant particulièrement chauvin. Les tours jumelles, lorsqu'elles ont été construites, représentaient la puissance de l'Amérique, et aujourd'hui elles symbolisent sa résilience et son courage. Ces constructions immenses ne sont pas, dans le film, qu'un autre endroit pour un funambule de poser son fil. Elles sont, pour reprendre des répliques du film, « l'âme de New York » et « d'une puissance infinie ». Ces nombreuses allusions à la grandeur de ces tours agacent un peu. Et c'est sans parler de cette finale en plan fixe qui parle trop en ne disant rien.
Malgré toutes ces petites anicroches, The Walk est un divertissement intéressant et le portrait convaincant d'un artiste confiant et impétueux. Gordon-Levitt livre une sublime performance, tout comme Charlotte Le Bon, qui apporte un peu de raison à ce personnage instinctif et intense qu'est Philippe Petit. Nous vous conseillons de voir le film dans sa version anglaise puisque certains dialogues sont en français dans l'oeuvre originale et que, dans la version française québécoise, ces passages ont été traduits dans un autre français, plus uniforme, et c'est agaçant.
Cette magie qu'on recherche instinctivement dans un film manque à l'appel dans The Walk. L'histoire est intrigante, l'humour et le drame y sont bien calibrés et les images sont sublimes, mais on n'y retrouve pas ce petit quelque chose qui porte un baume à notre coeur et un sourire à nos lèvres...