On justifie parfois (souvent?) les irrégularités d'un film par son public-cible; un film pour enfants, par exemple, peut se permettre d'être plus puéril, de ne pas tout expliquer, de faire (légèrement) la leçon ou de réutiliser des thématiques usées. Il en va de la connaissance du public à qui le film est adressé et des moyens que l'on prend pour le combler. Pour cette raison, un film peut parfois désintéresser complètement les parents, mais combler les enfants, et tout le monde s'en trouve tout de même satisfait. Hugo, le film pour enfants de Martin Scorsese, est parfois tellement long et insignifiant qu'on ne peut profiter pleinement de quelques moments de magie et d'une déclaration d'amour sentie au cinéma.
Car cette nouvelle oeuvre de Martin Scorsese, qui est décrite et vendue comme un film familial - en plus d'être adapté d'un livre pour enfants illustré de Brian Selznick - a manifestement manqué sa cible. D'abord à cause de sa durée démesurée (2h06), ensuite à travers ses personnages inoffensifs dont la naïveté est souvent redondante, d'autant que leurs passions sont convenues (les livres, le cinéma, leur père) et leurs problèmes très matures et spécifiques. On devine rapidement qui cache qui dans cette histoire, et la question n'est bientôt plus de les démasquer, mais bien de vivre avec eux la douleur que ce retour dans le passé signifie; assez ardu à comprendre pour des enfants.
Scorsese démontre bien sûr sa grande maîtrise du médium et son amour du cinéma lors d'attendrissantes séquences historiques qui mettent en vedette l'illusionniste par excellent du « cinéma des premiers temps » (je n'aurais jamais cru utiliser cette expression de mon ancien professeur Germain Lacasse ici...), le réalisateur Georges Méliès. La reconstitution est inventive et agréable, si on connaît au moins un peu l'oeuvre du célèbre réalisateur français. Son intégration dans l'histoire était une excellente trouvaille.
Pour le reste, les trop nombreux personnages et la simplicité de leurs interactions restent de l'ordre de l'enfantin, tout comme quelques raccourcis scénaristiques qui demeurent inexpliqués (l'incendie meurtrier est ridicule, l'histoire d'amour entre l'inspecteur et la fleuriste puéril... et pourquoi donc Isabelle n'est-elle pas piétinée lorsqu'elle chute dans la foule de passagers?). Les adultes qui s'intéressent à l'oeuvre de Scorsese ou aux premiers temps du cinéma risquent de trouver tous ces raccourcis affreusement accablants, entre les quelques réflexions enfantines des personnages et une vision féérique de Paris sans personnalité.
On trouverait sans doute des dizaines d'hypothèses de travaux à soumettre à mon ancien professeur : comment expliquer que c'est le cinéma en 3D qui rend ici hommage à l'expertise perdue du cinéma de Méliès? Était-il artiste ou artisan? Qu'en est-il de l'historiographie du cinéma? Le 3D est-il un retour au cinéma des attractions? Mais comment voulez-vous que les enfants s'inquiètent de ces sujets spécifiques?
Hugo ne s'adresse ni aux enfants, ni à leurs parents. Les deux risquent de s'y ennuyer. On dit parfois que certains films sont pour les « petits et les grands enfants ». Mais Hugo est véritablement un film pour les adultes qui ont gardé leur coeur d'enfant - et seulement pour eux.