C'est une véritable radiographie de l'Amérique qu'offre le surprenant Hell or High Water qui voit d'excellents comédiens prendre possession d'un scénario béton.
Le film s'ouvre sur une caméra qui tourne sur elle-même, inlassablement, sans subir la pression d'un quelconque montage. Quelque chose d'important se déroule et cela prend quelques secondes avant de réaliser qu'il s'agit d'un vol de banque. Ce larcin, deux frères (Ben Foster et Chris Pine) l'exerceront plusieurs fois, avant d'avoir au dos des représentants de la loi (Jeff Bridges et Gil Birmingham).
Cette introduction filmée finement permet au cinéaste écossais David Mackenzie de s'approprier un genre qui tend à revenir à la mode: le western. Qu'il soit intéressant (In a Valley of Violence) ou indolent (le récent remake de The Magnificent Seven), ce style a toujours fait partie intégrante des racines du cinéma hollywoodien et il est ici gratifié d'une nouvelle réussite. L'ambiance et l'atmosphère tiennent une place prépondérante et ça, le réalisateur le comprend parfaitement, signant au passage une oeuvre vigoureuse, la plus nécessaire de sa filmographie en dent de scie.
Il a pu compter sur un scénario impeccable de l'ancien acteur Taylor Sheridan, qui offre encore plus de richesse et de complexité que sur le script qu'il a rédigé pour le Sicario de Denis Villeneuve. Tout y est limpide, élégiaque même, comprenant ce qui forge les États-Unis, autant dans ses tenants que ses aboutissants. S'il est surtout question de crimes économiques à une époque où ce sont les banques qui sont les méchantes, les aspects sociaux et politiques ne sont pas épargnés, alors que le tranchant historique - le sort réservé aux Amérindiens et les Mexicains - revient constamment hanter le pays de l'Oncle Sam et principalement le Texas.
Les relations entre les individus lorgnent d'ailleurs la tragédie grecque. Il y a ces deux frangins complètement différents, incarnés par le bouillant Ben Foster et le plus introspectif Chris Pine. Si le premier représente toujours le fou furieux de service, le second revigore sa carrière, amenant émotion et vulnérabilité à un personnage en trois dimensions. On est loin de Star Trek. De l'autre côté du spectre se trouvent deux protagonistes épatants. Jeff Bridges est évidemment le plus amusant en Texas Ranger. Sa façon de marmonner renvoie au long métrage culte The Big Lebowski et il amène le côté absurde de l'ensemble. Mais dès qu'il forme un duo avec le touchant Gil Birmingham, les échanges qui en ressortent forment le nerf du récit.
On pourra accuser Hell or High Water d'être affublé d'un rythme un peu quelconque et de ne pas suffisamment exploiter les mélodies de Nick Cave et de Warren Ellis, les spécialistes du western qui s'avéraient en plus grande forme sur The Assassination of Jesse James... On sent toutefois une volonté de transcender son cadre et son budget pour offrir quelque chose de plus ambitieux, de plus essentiel dans la tradition du No Country for Old Men des frères Coen. Et il y arrive la plupart du temps. Y plonger risque de prendre un nouveau sens, surtout depuis qu'un nouveau président est à la Maison-Blanche et qu'il symbolise tous les mots (ou maux) que traite le film.