Version longue d'un court métrage nominé pour l'Oscar du meilleur court métrage d'animation en 2005, Numéro 9 est grandement diminué par ce passage au grand écran. Lorsqu'il n'était encore qu'un film étudiant d'une dizaine de minutes, le côté « expérimentation » était fort défendable : exploration de techniques d'animation, recherche technique et philosophique, proposition sans prétention. En jouant maintenant dans la cour des grands, Numéro 9 se nuit beaucoup à lui-même puisque son aspect « incomplet » n'est plus acceptable ni même suffisant.
9, une poupée de chiffon à qui son créateur, un scientifique mal-aimé, a donné vie, se réveille dans un monde en ruines où l'humanité entière a été décimée par une guerre contre les machines. Il fait ensuite la rencontre de certains de ses semblables, dont le leader 1, l'artiste 6, le naïf 5 et le scientifique 2 qui survivent depuis des années dans ces décombres. Lorsque 9 réveille une dangereusement machine qui vole « l'âme » de ses compagnons, 9 décide de mettre fin une fois pour toutes à la tyrannie des machines.
Même en lui associant les noms de Tim Burton et du réalisateur « visionnaire » Timur Bekmambetov, qui n'ont finalement rien à voir avec le projet, Numéro 9 est loin d'être un projet spécialement innovateur. La thématique de l'intelligence artificielle, déjà dépassée il y a douze ans avec La matrice, n'est qu'un exemple des nombreux lieux communs dans lesquels baigne ce film incapable de décider s'il s'adresse à des adultes ou des enfants. La finale, insuffisante et incertaine, vient ajouter au manque de conviction de ce court métrage devenu long (comme on dirait « petit devenu grand ») et qui y perd beaucoup au change.
D'autant que le récit est lui aussi assez peu convaincant : autant de petites parcelles d'histoires et de personnages rapiécés entre eux afin d'élargir le public-cible - disons le « public potentiel » - de cette histoire qui, derrière ses allures post-apocalyptiques, s'avère fort conventionnelle. Le petit qui vainc le grand grâce à son intelligence (parce que niveau force, il n'a aucune chance), c'est un peu bébête et surtout très redondant. La fille guerrière, aussi forte que les garçons, même plus, c'est aussi assez enfantin alors que le film, de par ses ambitions et ses thèmes pointus, ne l'est pas vraiment.
Un symbolisme boiteux sur le Créateur, l'âme, l'humanité et même la vie après la mort s'ajoutent à cette confusion globale, et voilà que Numéro 9 est à deux pas d'être moralisateur. Assez imprudent, surtout lorsqu'on offre si peu de cette fameuse « matière à réflexion », denrée rare s'il est en une, au cinéma et particulièrement en été. Dernier soubresaut de ce « cinéma estival », justement, conçu pour l'action et rien d'autre, Numéro 9 est au final fort décevant parce qu'il ne diffère en rien de ce qu'on a vu tout l'été et que ses scènes d'action, s'il fallait s'en contenter, ne seraient même pas à la hauteur. Pas qu'il n'y ait absolument rien de prometteur dans ce film réalisé par Shane Acker, bien au contraire; simplement qu'il faudra un peu plus de rigueur et de cohérence pour vraiment entrer dans la cour des grands.