Un film québécois fantastique, poétique et qui fait vraiment peur. Certainement un vent de renouveau très apprécié dans le paysage monotone et redondant du cinéma québécois. Le mélange presque idéal entre la folie créatrice et la conscience d'un marché impitoyable. Vraiment, l'expérience risque de plaire énormément. Peut-être pas à tout le monde, mais énormément quand même.
Le réalisateur Robin Aubert présente son premier long-métrage au public québécois. Un film bien difficile à décrire - encore plus après l'avoir vu - qui mélange le fantastique, la quête identitaire et la poésie. Le drame aussi. Et qui fait drôlement peur. Aubert, qui signe aussi le scénario, construit une histoire solide, avec des personnages et des événements intéressants et crédibles. Un voyage dans ses cauchemars, paraît-il. L'expérience – pas scientifique – est plus que concluante, le résultat certainement fascinant : il y a du talent brut derrière tout ça. Et de l'audace.
Flavien Juste travaille pour un journal spécialisé dans le surnaturel et les événements mystérieux. Son éditeur l'envoie, avec son meilleur ami photographe Armand Despas, dans le petit village de Saints-Martyrs-des-Damnés, où plusieurs disparitions ont été signalées. Quand Armand disparaît à son tour, Flavien décide de partir à la recherche d'explications malgré l'objection soutenue des villageois. À mesure qu'il cherche, le mystère se complique, et ce qu'il va trouver dépasse la simple explication scientifique.
C'est l'aspect visuel du film qui impressionne le premier. L'image est merveilleusement construite, le travail de composition apparent. L'atmosphère de Saints-Martyrs-des-Damnés n'en est que plus solide. Le réalisateur ne perd d'ailleurs pas de temps avant d'installer cette ambiance unique qui ajoute à l'intérêt des événements. Parce que le scénario conserve du début à la fin un intérêt constant, qui sait se renouveler tandis que les détails et les travers de l'intrigue se dévoilent. Et si Saints-Martyrs-des-Damnés commence en tant que film d'épouvante un peu classique, mais particulièrement efficace (étonnant quand même de voir que quelques plans de caméras simples, quelques notes appuyées et du maquillage peuvent faire un tel effet), il se transforme rapidement en quête passionnée, qui perd un peu de son rythme à un certain moment, mais qui demeure la démonstration du savoir-faire de ses artisans. La réalisation particulièrement, qui filme brillamment – et avec cette fameuse audace – la plupart des dialogues. Le travail de la direction-photo et de l'éclairage méritent aussi une mention.
Saints-Martyrs-des-Damnés n'est pas sans défaut, mais on parle plutôt ici de fautes de goût et de préférences personnelles que de véritables erreurs. Cette scène d'amour onirique, par exemple, semblera très inusitée pour certains, alors que l'intention du réalisateur justifie le moment, même s'il détonne d'avec l'ensemble du film. Reste que le film contient une véritable force dramatique qui évite toute forme de mélodrame ou de dramatisation forcée. Le film est vraiment dramatique au lieu de seulement prétendre l'être. « Enfin! », diront aussi certains.
Les acteurs, particulièrement François Chénier, habitent apparemment leurs personnages, se laissent transporter par eux, et partagent évidemment cette incertitude qui les hante aux spectateurs. Ici non plus, pas de fausse tragédie, pas de réactions abusives, simplement l'honnêteté de personnages pris au dépourvu face à des événements qu'ils s'expliquent mal. Et pour finir, un moment de lucidité prenant, efficace, d'autant que le réalisateur sait l'étirer jusqu'à la limite.
Saints-Martyrs-des-Damnés est un bon mélange entre la démonstration efficace des méthodes d'un réalisateur qui s'est fixé un objectif clair, qui a su s'entourer de techniciens compétents, et de l'audace qu'il fallait pour faire du film plus qu'un simple film d'épouvante. La précision chirurgicale de la technique d'Aubert lorsqu'il s'agit d'effrayer n'a d'égal que la portée philosophique de son scénario. On pourrait presque dire que Saints-Martyrs-des-Damnés représente l'idéal du cinéma moderne, donc populaire, de la « Nouvelle-Vague » québécoise, un mélange spécialement savant entre l'exploitabilité commerciale et la rigueur artistique. Un film qui trouvera son public, et qui le séduira complètement.
Un film québécois fantastique, poétique et qui fait vraiment peur. Certainement un vent de renouveau très apprécié dans le paysage monotone et redondant du cinéma québécois. Un film qui trouvera son public, et qui le séduira complètement. Le mélange presque idéal entre la folie créatrice et la conscience d'un marché impitoyable. Vraiment, l'expérience risque de plaire énormément. Peut-être pas à tout le monde, mais énormément quand même.