Dommage qu'Avatar ne soit pas aussi prenant narrativement que visuellement, parce que le flair de James Cameron pour l'innovation technologique atteint des sommets, encore une fois. Vingt-cinq ans après Terminator, le réalisateur propose un voyage décidément immersif dans un monde luxuriant et riche. Malheureusement, ses ambitions philosophiques sont bien moindres, et la révolution n'est que technique. N'en reste pas moins une brillante démonstration de savoir-faire de graphistes et d'informaticiens talentueux.
Le soldat paraplégique Jake Scully se rend sur Pandora, une planète exploitée par de riches industriels humains sans scrupules, en tant que mercenaire chargé d'infiltrer la tribu indigène de la planète, les Na'Vi. Pour ce faire, on transfère son esprit dans un corps Na'Vi, et il est admis en leur sein. Il y fait la rencontre de Neytiri, qui lui enseigne les rudiments de sa culture. Pendant ce temps, les mercenaires chargés de délocaliser les Na'Vi s'impatientent.
Si on est instantanément propulsé dans le monde exotique de Pandora, on n'hésite pas à prendre le temps d'apprendre à connaître son peuple en profondeur et en douceur. Ses coutumes, qui ressassent, d'une certaine façon, tous les clichés tribaux, sont présentées sans empressement au fur et à mesure que Jake découvre les Na'vi. Or, chemin faisant, plusieurs problèmes surgissent. Il est d'abord bien trop simpliste que, pour quitter le corps Na'Vi qu'on contrôle, il suffisse de s'endormir, et pour en reprendre possession de le souhaiter mentalement. Cela donne, on veut bien comprendre, plus de latitude scénaristique, mais c'est un peu niaiseux...
D'autant que le scénario est tellement rigoureusement justifié (Jake est paraplégique, il accepte de faire partie de l'expérience pour ravoir ses jambes... duh!) qu'il devient prévisible. Personne ne se surprendra de cette histoire d'amour bidon... Au fur et à mesure que la mythologie des Na'Vi se précise (dont leur cérémonie qui permet de transférer un esprit dans un nouveau corps...) on devine facilement comment tout va se terminer. Et on est immanquablement déçu. Philosophiquement, Avatar ne signifie rien, ne prétend rien, n'ose rien. Cela gâche en partie le plaisir des yeux, mais cela empêche surtout le film de s'élever au rang de chef d'oeuvre.
Car il faut admettre que l'expérience est fascinante, et que le combat final, qui doit bien durer plus de 30 minutes, est palpitant et effréné. On ne nie pas que l'aspect « divertissement » soit comblé, mais il n'y a pas que ça, au cinéma...
Les sens sont bien sûr stimulés par les effets spéciaux, qui sont certainement les plus réussis de l'année, et qui repoussent les limites établies (comme on le fait maintenant à tous les six mois). Mais les promesses narratives d'Avatar ne sont jamais à la hauteur de son potentiel visuel, et le film demeure un travail d'artisans talentueux plutôt que celui d'artistes. Un travail bien accompli, qui répond aux attentes, sans plus. L'histoire du cinéma est balisée de ces films-phares. Avatar serait-il le Star Wars de cette génération? C'est possible. Tant qu'on ne voit pas les Ewoks débarquer dans le troisième...