L'oeuvre de Philippe Falardeau a été marquée par une sympathie critique - bien méritée au demeurant - qui l'a placé du côté des « auteurs », des « vrais » cinéastes qui font du « vrai » cinéma. Un statut qui se justifie de toutes les façons possibles (processus, intentions), mais par les films d'abord (La moitié gauche du frigo et Congorama), qui mélangent histoires tordues et réflexion sur le cinéma. Avec C'est pas moi, je le jure!, Falardeau fait le pari du cinéma « populaire » (comme certains disent « modeste »), du cinéma « au service » de l'histoire et des personnages. Assez de guillemets pour un seul paragraphe, allons droit au but : avec C'est pas moi, je le jure!, Falardeau s'assure que son film sera diffusé et compris, sans que cela n'affecte le plaisir cinéphilique de suivre son développement en tant que réalisateur.
Léon Doré a dix ans. Malchanceux, il lui arrive souvent de se suicider accidentellement, et c'est sa mère qui, à chaque fois, le sauve. Lorsque cette dernière décide de partir refaire sa vie en Grèce, Léon se met dans la tête d'amasser de l'argent pour aller la rejoindre en fouillant les maisons de ses voisins partis en vacances avec sa voisine Léa.
Le film, inspiré des écrits de Bruno Hébert, a beau se dérouler en plein été 68, Falardeau ne le laisse paraître qu'ici et là, par petites touches, dans l'attitude, par la présence d'un curé au souper ou quelques accoutrements. Il s'agit surtout d'une histoire « québécoise » comme on imagine les vacances d'été de nos parents. La direction-photo impeccable d'André Turpin alourdi merveilleusement l'ambiance, éloignant encore davantage le film de Maman est chez le coiffeur, sorti en mai et qui abordait les mêmes thèmes. La caméra de Falardeau, aérienne et plus compétente que jamais, suit avec douceur les enfants, dont la naïveté est à l'origine de l'humour du film, très efficace lui aussi.
Les jeunes comédiens sont excellents, même s'ils manquent une fois ou deux de naturel; le jeune Antoine L'Écuyer est solide en Léon Doré, tandis que Gabriel Maillé, qui incarne son frère Jérôme, et Catherine Faucher (Léa) le supportent aussi avec une grande efficacité. Daniel Brière, qu'on voit bien trop peu au cinéma, est tout particulièrement convaincant dans le rôle du père, figure d'autorité qui devra évidemment démontrer un peu d'émotion et une certaine faiblesse.
Un seul problème, vraiment : la fin. Dans ses derniers instants, même si Philippe Falardeau trouve encore le moyen d'impressionner avec des plans vivifiants, le film s'étire inutilement, ajoutant des post-scriptum à une trame narrative qui était terminée, dramatiquement parlant. Les scènes sont toujours belles, là n'est pas la question, mais s'intègrent moins bien à l'ensemble du film avec qui Léon et Léa sont allés jusqu'au bout de leur quête et en sont revenus.
C'est pas moi, je le jure! est le film le plus « populiste » de Philippe Falardeau, surtout parce que ces deux premiers films ne l'étaient pas tellement. Cette fois-ci comme les autres, même s'il aborde la nostalgie à l'instar de plusieurs de ses contemporains québécois, sa signature est présente et visible partout dans les images du film, dans cet amour inconditionnel des personnages qui se transforme en curiosité et qui, de tout temps, fait de bons films.
Avec C'est pas moi, je le jure!, Falardeau s'assure que son film sera diffusé et compris, sans que cela n'affecte le plaisir cinéphilique de suivre son développement en tant que réalisateur.
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