Gus Van Sant a ses bonnes habitudes. Dans les thèmes, tout d'abord, l'adolescence étant au centre de ses préoccupations cinématographiques depuis des années. La linéarité temporelle passe aussi un mauvais quart d'heure, chez le Van Sant post-Psycho, et les longs plans-séquences errants dans les corridors sont chargés d'émotion. Le paroxysme de cette esthétique a cependant été atteint avec Elephant, en 2003, véritable joyau du cinéma contemporain. Paranoid Park est donc une oeuvre moins forte, moins achevée, moins inspirante que l'autre, d'autant qu'elle cherche un peu la même chose, dans à peu près les mêmes endroits, c'est-à-dire cette adolescence insaisissable et presque surréaliste pour les adultes.
Paranoid Park n'est pas un film pour ados, et c'est bien dommage. Rarement sont-ils aussi justement représentés sur l'écran, par le jeune acteur amateur Gabe Nevins en premier lieu. Rarement les comprend-on aussi bien qu'à travers le regard curieux et légèrement admiratif de Van Sant, qui prend le temps d'observer et de filmer le quotidien. Sauf que si chaque instant était significatif dans Elephant afin de rehausser un drame latent, cette fois-ci, Van Sant donne les réponses avant d'entendre les questions et se perd un peu dans des trames narratives brouillonnes. La petite amie d'Alex, entre autres, n'a jamais de personnalité propre, pas plus, d'ailleurs, que ces skaters filmés sans sous-texte dans les skateparks de Portland.
La caméra et l'atmosphère de Van Sant ne sont pas moins belles qu'à l'habitude, seulement moins signifiantes, moins empreintes d'une émotion pure d'observatrices qu'il est - et Van Sant l'a prouvé lui-même - possible d'atteindre. La compassion et l'empathie sont remplacées par un état nébuleux d'observateur-voyeur.
Les guitares d'Elliott Smith, parfaites comme toujours, viennent parler encore une fois de cette compréhension paternelle de Van Sant pour les adolescents. En fait non, pas paternelle, puisque les parents sont indignes - ils n'y comprennent rien - d'individus aussi riches et fascinants que les adolescents. Cependant, le coup de l'absence de repères d'une génération et de la famille disloquée (les parents d'Alex sont en instance de divorce) n'est plus très original en cette époque où les repères existent, et en grand nombre, où on se révolte en groupe et où on devient marginal pour faire comme les autres. Il y a trop de repères, à la limite, trop de groupuscules irréconciliables où Alex pourrait faire sa niche et il n'arrive pas à en choisir un. Ce qui n'est pas nécessairement une mauvaise chose.
Reste que Paranoid Park, tout en demeurant un film efficace où les grands moments son nombreux, montre que Gus Van Sant maîtrise un peu trop bien la rhétorique de cette esthétique qui lui est propre et qu'il n'est pas parvenu à proposer assez de nouvelles idées pour créer autant d'émoi qu'en 2003.
Gus Van Sant a ses bonnes habitudes. Dans les thèmes, tout d'abord, l'adolescence étant au centre de ses préoccupations cinématographiques depuis des années. La linéarité temporelle passe aussi un mauvais quart d'heure, chez Van Sant, et les longs plans-séquences errants dans les corridors sont chargés d'émotion. Le paroxysme de cette esthétique a cependant été atteint avec Elephant, en 2003, véritable joyau du cinéma contemporain. Paranoid Park est donc une œuvre moins forte, moins achevée, moins inspirante que l'autre, d'autant qu'elle cherche un peu la même chose, dans à peu près les mêmes endroits, c'est-à-dire cette adolescence insaisissable et presque surréaliste pour les adultes.