Le premier long-métrage de Stéphane Lapointe est une comédie douce-amère sur l'amour, la famille et la vie comme il y a en tant d'autres. Mais - parce qu'il y a en un - La vie secrète des gens heureux est un film différent. Rythme inhabituel, interprétations singulières, dialogues riches et savoureux, dans un film qui évite de faire référence au passé et se tourne plutôt vers l'avenir et sautant à pieds joints dans la modernité. Prenant, et drôle par-dessus le marché.
Thomas est le fils imparfait de la petite famille parfaite de son père Bernard. Ce dernier dirige habilement une prospère entreprise d'alimentation, tandis que sa femme Solange se lance avec succès dans les jeux télévisés. Leur fille Catherine va étudier la médecine à Londres - Voltaire dirait que « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. » - et il y a Thomas, qui termine un diplôme en architecture. Complètement blasé et mal dans sa peau, Thomas s'est désintéressé de son cours et erre sans but dans la vie. Jusqu'à ce qu'un jour, il rencontre par hasard Audrey, une jeune femme électrisante avec qui il va s'engager dans une relation qui va lui redonner goût à la vie... pour un temps.
Lapointe signe aussi le scénario à l'humour postmoderne, très cynique, désillusionné, aux personnages très moroses. Et le réalisateur lui-même faisait remarquer que son personnage principal n'agit pas beaucoup, ce qui détonne par rapport au courant cinématographique actuel. N'importe, la bouille de Marc Paquet rend ce personnage de Thomas attachant en un clin d'oeil, et on aura tôt fait de s'intéresser à son destin pas ordinaire. D'autant que le langage soutenu du scénario sait laisser place aux anglicismes actuels qui sont immanquablement de chaque conversation - « weird » et « fucked up » particulièrement - plaçant cette histoire dans un cadre d'autant plus réaliste, sans quitter un registre soutenu.
La réalisation est un peu plus timide niveau innovation, pourtant elle prouve que Lapointe sait comment utiliser la caméra et les disciplines dites « techniques » (montage et direction-photo) pour créer des remous, des réactions physiques chez le spectateur. Une réaction qui prend aux tripes, et qui s'apparente au malaise qui émanait de l'excellent Closer, de Mike Nichols. Quelques séquences oniriques s'intègrent pourtant mal à l'ensemble, un rêve vénitien surnaturel et une finale bucolique sonnent un peu faux.
L'humour bien particulier du film touche régulièrement la cible grâce aux acteurs qui livrent tous des performances admirables. Si Gilbert Sicotte est vibrant, Marc Paquet est très crédible et franchement trop gentil. Mais c'est Catherine de Léan qui sort du lot, elle dégage beaucoup d'énergie et attire immanquablement l'attention, tout en donnant une réplique plus que convaincante à ses compagnons plus expérimentés. Leur jeu n'est jamais forcé et demeure très réaliste, on n'a vite l'impression que cette famille existe vraiment et qu'elle habite juste à côté.
Un film agréable, un premier film plus que respectable pour un jeune réalisateur plein de promesses et d'une sensibilité éclairée et réaliste. Et ces interprétations admirables s'ajoutent pour donner un film presque irréprochable, impeccable, une fable vivante, enivrante et... il me manque une rime en -able, et si vous saviez ô combien cela est... formidable.
Rythme inhabituel, interprétations singulières, dialogues riches et savoureux, dans un film qui évite de faire référence au passé et se tourne plutôt vers l'avenir et sautant à pieds joints dans la postmodernité. Prenant, et drôle par-dessus le marché.
Contenu Partenaire