Au Québec, on s'attarde de plus en plus aux films de genre; on a fait dans les dernières années des comédies romantiques, des suspenses d'épouvante, des drames biographiques, des road movies, des longs métrages fantastiques, d'action, de danse, mais le polar - style adopté par La peur de l'eau - en est un très peu exploité dans notre cinéma. Pour une première expérience, on peut dire sans trop d'hésitation que Gabriel Pelletier atteint sa cible. La peur de l'eau possède, certes, plusieurs faiblesses - dont sa durée excessive -, mais ses qualités esthétiques et l'intelligence de son intrigue nous permettent de faire fi de ses clichés et des détours inutiles que prend la narration.
Inspiré du roman policier On finit toujours par payer de Jean Lemieux, le long métrage dépeint l'histoire d'un policier, résident des Iles-de-la-Madeleine, qui doit résoudre un meurtre qui a eu lieu sur son territoire. Comme il est coutume dans ce genre de production, de nombreux personnages - tous des suspects présumés - se succèdent à l'écran et viennent exposer leur version des faits en tentant de prouver leur innocence. Pour arriver à berner le spectateur et à lui faire croire à la culpabilité d'un individu innocent, le scénario doit faire preuve de beaucoup de rigueur et d'une finesse actancielle particulière. Pelletier et son collègue Marcel Beaulieu sont parvenus à composer un scénario pertinent qui accorde une place étonnante à chacun des soupçonnés de manière à ce que le public soit confondu et permute sans cesse ses pronostics. L'erreur que font plusieurs débutants dans le genre du polar, c'est de ne pas donner toutes les informations dès le début au spectateur pour qu'il soit en mesure de résoudre l'énigme avant le dénouement final. Heureusement, Gabriel Pelletier ne fait pas cette bavure et place, dès les premières images, tous les morceaux du puzzle de manière à ce que le cinéphile puisse élucider lui aussi le mystère.
La réalisation dépouillée, mais précise nous permet de ressentir efficacement le huis clos se déroulant sur les Iles-de-la-Madeleine. Certains flashbacks sont amenés grâce à un montage expressif percutant reliant adéquatement le passé et le présent. Quelques incongruités - comme de mettre un CD dans un lecteur et de le faire jouer sans que la voiture soit en marche - et autres poncifs viennent, par contre, poser une ombre au tableau. L'idylle amoureuse entre le personnage de Pierre-François Legendre et celui de Brigitte Pogonat est inutile au coeur du récit et, malgré tous les efforts que l'on déploie pour nous convaincre du contraire, n'est pas crédible, ni souhaitable. La conclusion hollywoodienne où les méchants sont punis pour leurs fautes et les gentils obtiennent le respect et les honneurs qu'ils méritent laisse un goût amer à une production qui s'avérait jusque-là, pourtant, différente.
La peur de l'eau est un autre exemple de la diversification de notre cinéma et des facultés, tant techniques qu'artistiques, que possèdent nos créateurs. Même si notre force reste toujours, pour le moment, nos drames de moeurs et nos comédies, l'industrie du cinéma québécois s'engage de plus en plus sur la voie de la polyvalence et saura, j'en suis sûre, se bonifier et s'affirmer au cours des prochaines années. En attendant, on peut apprécier le travail de certains des pionniers du film de genre au Québec et leurs oeuvres, imparfaites, mais honnêtes et compétentes.
La peur de l'eau possède, certes, plusieurs faiblesses - dont sa durée excessive -, mais ses qualités esthétiques et l'intelligence de son intrigue nous permettent de faire fi de ses clichés et des détours inutiles que prend la narration.
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