La réalisatrice Sophie Deraspe avait fait une entrée remarquée dans le milieu du cinéma québécois il y a quatre ans avec Rechercher Victor Pellerin, un premier film particulièrement audacieux qui avait séduit et fasciné par son inventivité, son audace, et son observation inspirée sur la mécanique du cinéma de fiction. Changeant complètement de ton avec ce drame aux prémices conventionnelles, la réalisatrice parvient à maintenir cette vision, ce regard perçant qui voit au travers des évidences, pour son deuxième long métrage qui, en plus d'être un drame fascinant et efficace, est une oeuvre personnelle inscrite dans une filmographie prometteuse.
Simone, une étudiante en biologie, abandonne ses études pour se consacrer entièrement aux malades d'un centre de soins palliatifs après avoir veillé sur un membre de sa famille en phase terminale. Leur offrant un remède à leur solitude, elle fait de nombreuses rencontres marquantes, tandis que les patients attendent impatiemment la mort. Confrontée à un choix déchirant, Simone délaisse son copain musicien Boris pour faire de « ses » malades sa priorité.
La jeune comédienne Marie-Hélène Bellavance donne à Simone un corps qui fait intégralement partie de la psychologie du personnage, et ce pour de nombreuses raisons. La plus évidente étant au centre de sa complexité (qu'une indiscrète bande-annonce aura maladroitement dévoilé), évitons d'aborder le sujet. Parlons plutôt de sa relation amoureuse avec Boris; une relation charnelle, parfois énigmatique, qui ajoute de la profondeur à l'observation convaincante que l'on fait de la nature humaine. D'autant que la réalisatrice n'est certainement pas étrangère à cette compréhension rafraîchissante de la féminité, du désir et du corps, autant que la nouveauté qu'apporte une actrice non-professionnelle lorsqu'elle est bien dirigée. Et c'est certainement le cas ici.
Seule anicroche : le point final, qui est soit insuffisant, soit exagéré, mais qui ne s'inscrit pas dans la logique interne du film. Alors qu'on avait l'impression d'avoir atteint une belle complétude, on propulse le film hors de son orbite, dans une perte de contrôle injustifiée qui détonne. Quelques scènes aussi semblent légèrement incongrues, quelques lignes de dialogues également, mais rien qui ne diminue le plaisir de voir un film aussi bien maîtrisé.
Les signes vitaux est donc un film à voir, premièrement par curiosité : Sophie Deraspe prouve une nouvelle fois son talent de réalisatrice et son flair pour aborder des sujets évocateurs et pertinents. Un film signé de la main d'une réalisatrice qui prouve mériter sa place dans le paysage le plus excitant du cinéma québécois, cette branche qui voit de jeunes réalisateurs éduqués au cinéma le modeler à leur image. Voilà une grande richesse de la cinématographique nationale du Québec. Rafaël Ouellet, Denis Côté, Rodrigue Jean (et certainement d'autres) proposent, comme Sophie Deraspe, des films résolument personnels, qui s'inscrivent dans une démarche d'auteur sans être délibérément élitistes. Voilà qui est non seulement rafraîchissant, mais qui augure particulièrement bien pour le cinéma québécois et son rayonnement international.