Au premier abord, nous aurions pu croire que nous verrions Stéphane Moukarzel et son coscénariste Germain Larochelle arriver de très loin avec leurs gros sabots avec une proposition comme Sapin$.
Un film qui, sur papier, pouvait sembler vouloir sortir toutes les grandes lignes du discours anticapitaliste d'usage entourant les célébrations de LA fête commerciale par excellence.
L'image de l'arbre majestueux, destiné à occuper le coin d'un salon pour une période allant de quelques jours à plusieurs semaines, mais d'abord garroché au milieu de la rue du haut d'un camion sans la moindre délicatesse parle définitivement d'elle-même.
Et Sapin$ ne se gêne pas non plus pour nous rappeler de la manière la plus triste qui soit ce qu'il adviendra ultimement du pauvre conifère une fois le temps des Fêtes derrière nous.
Il y a, certes, une bonne dose de cynisme dans le présent exercice, mais le duo aux commandes approche néanmoins sa prémisse de manière juste et sentie, question de ne pas complètement tourner le tout en « anti-film de Noël ».
Nous sommes donc invités à suivre le parcours du pauvre Rémi (Étienne Galloy), qui n'est pas ce que nous pourrions appeler le pingouin qui glisse le plus loin.
Après avoir été arrêté pour conduite avec les facultés affaiblies ayant causé des dommages matériels, le jeune homme se tourne vers la vente d'arbres de Noël dans un quartier du fin fond du Bronx pour tenter d'accumuler l'argent nécessaire pour rembourser son employeur et couvrir ses futurs frais d'avocat.
Au cours des semaines menant lentement, mais sûrement, à la célébration de l'anniversaire du petit Jésus, Rémi doit partager la van de Laura (Diane Rouxel), une jeune Française à la fibre militante assumée, qui l'introduit peu à peu à divers concepts de lutte sociale. Armé de suffisamment de bonne volonté, la situation précaire de Rémi finit malgré tout par lui mettre souvent des bâtons dans les roues.
Au fil des jours, le duo apprend à se connaître, puis développe des liens avec les habitants et les commerçants du quartier. Mais il est aussi confronté à un monde d'escroqueries et d'injustices.
La prémisse de Sapin$ est bien défendue à l'écran par ce duo de personnages se situant aux antipodes l'un de l'autre, mais dont l'évolution de la relation parvient tout de même à faire abstraction de plusieurs clichés d'usage.
Ce qui joue le plus contre le film de Stéphane Moukarzel, c'est sa durée. À 111 minutes, le long métrage finit par tourner en rond et devenir répétitif alors qu'il aurait gagné à être raccourci d'une vingtaine de minutes et à diriger davantage d'énergie vers des dialogues qui auraient pu être un petit peu plus punchés, et le timing comique de certaines séquences.
Étienne Galloy demeure on ne peut plus sympathique dans le rôle du premier venu à l'anglais très approximatif, dont le regard porté sur une situation n'est jamais sans rappeler celui d'un cerf se tenant immobile au milieu de la route, aveuglé par les phares de la voiture qui avance vers lui.
Sapin$ rencontre ainsi les problèmes auxquels nous pouvons généralement nous attendre d'un premier film d'un artiste prometteur. Moukarzel et Larochelle jonglent avec beaucoup de matière et d'idées pertinentes (l'esprit de communauté, l'importance et le sens profond de la fête de Noël, l'impact de la gentrification, etc.). Le duo a toutefois tendance à n'utiliser ses personnages - surtout secondaires - que pour remplir une fonction narrative, omettant du coup de développer davantage leur caractère respectif.
Le tout aurait assurément conféré un souffle comique et/ou dramatique supplémentaire à leurs interactions, en plus d'étoffer l'esprit de communauté que le film s'efforce de mettre en relief.
Malgré ces quelques maladresses, le présent long métrage demeure une proposition honnête, sachant faire la part des choses entre le côté louche du commerce qu'il met en lumière, et les valeurs familiales et d'entraide qu'il véhicule à travers les rencontres et les péripéties qu'il met en scène.
Entre sa volonté appuyée de contourner les codes du genre et son désir assumé de les faire briller, Sapin$ exploite habilement le sens de ses propres contradictions.