Rédiger une critique
Vous devez être connecté pour pouvoir rédiger une critique.
Double peine.
Tout le monde a entendu parler de près ou de loin de la fameuse marche pour les droits civiques du 28 août 1963 où une gigantesque foule pacifique est venue de tous les coins des Etats-Unis pour, officiellement, militer pour l’emploi et la liberté pour tous. Mais, surtout et officieusement, protester contre la ségrégation raciale. C’est à l’issue de cette manifestation historique que Martin Luther King a d’ailleurs lâché la célèbre phrase « I have a dream ». Ce que l’on sait moins c’est que l’un des instigateurs principaux et le fer de lance de cet évènement provient d’un activiste afro-américain nommé Bayard Rustin. Un homme qu’on a laissé un peu dans l’ombre à cause de son orientation sexuelle, Rustin étant presque ouvertement homosexuel, ce qui, bien sûr, ne faisait pas bon ménage à l’époque, l’égalité pour l’orientation sexuelle étant une bataille qui viendra des décennies plus tard. Un homme né à la mauvaise époque avec la double peine que ce portrait tente de réhabiliter et de mettre en lumière.
« Bayard Rustin » comme s’appelle tout simplement ce long-métrage n’est pas à proprement parler un biopic puisqu’il ne couvre que quelques mois de la vie de cette personnalité controversée dans la lutte pour l’égalité raciale. On apprend à la connaître davantage, par ce qu’il convient d’appeler un portrait, par le prisme de l’organisation de cette marche dont l’idée lui reviendrait mais que les manuels d’histoire ont quelque peu oublié. Voici donc un long-métrage qui se propose de manière un peu didactique de remettre les pendules à l’heure. Et la plus grande force de cette œuvre est sans conteste la prestation sans fausse note de Colman Domingo dans le rôle-titre. Totalement investi dans ce rôle délicat, il surplombe la distribution avec sa gouaille, son charisme et son énergie folle. Si Domingo était vraiment de cette trempe, pas étonnant qu’il se soit fait autant d’amis que d’ennemis. Et l’acteur qui sera probablement cité dans les cérémonies de récompenses lui rend un vibrant hommage avec un jeu de toute beauté. À tel point que des acteurs plus connus venus faire un coucou tels que Chris Rock ou Jeffrey Wright ne lui arrivent pas à la cheville. Il est clairement l’atout phare de « Bayard Rustin ».
En revanche, on ne peut nier que le film est relativement académique sur le fond comme sur la forme. Hormis quelques envolées intéressantes telles que l’entraînement des policiers afro-américains et les préparatifs de la marche finale ou quelques beaux plans en noir et blanc éclairant le passé du personnage, rien de transcendant au niveau de la mise en scène. Le réalisateur du tout aussi sympathique mais pas inoubliable « Le blues de Ma Rainey », qui évoquait également la cause de la population afro-américaine, restant consensuel et sage à ce niveau. On regrette surtout que le film se penche plus sur la marche en elle-même et la question des droits civiques, qui a déjà été mille fois vue dans les films et souvent en plus impactant, que sur le profil sexuel de Rustin. Comme si le script était trop frileux pour prendre cet aspect à bras le corps en le reléguant en sous-intrigue plutôt superficielle. Il en ressort une frustration puisque c’est surtout cette condition qui a mis des bâtons dans les roues de cet homme et de ses projets. En somme, un film intéressant et instructif mais pas aussi développé que voulu sur les versants les plus captivants de la vie de cet homme. Il n’empêche, il était important de remettre certaines choses en lumière et c’est donc fait.
Plus de critiques cinéma sur ma page Facebook Ciné Ma Passion.