À moins de se braquer bêtement et sans concessions contre le passé religieux du Québec, on trouvera dans Pour l'amour de Dieu de quoi piquer sa curiosité. Bien peu de films s'intéressent à cette époque qu'on voudrait plutôt oublier, rejeter en bloc, sans essayer de voir ce qu'on faisait correctement tout de même alors que les autorités religieuses assuraient l'éducation des enfants et les soins de santé. Ce contexte historique est idéal pour une histoire d'amour différente des autres, plus axée sur le désir que sur la passion à assouvir, qui a ses moments forts mais quelques maladresses qui viennent ébranler le fort noyau qu'on parvient à construire.
Un noyau qui découle des performances efficaces des trois acteurs principaux, à commencer par Ariane Legault, une fillette moins extravagante que les autres jeunes acteurs de notre cinématographie, mais certainement pas moins efficace. Elle est même plus crédible, dans sa timidité et dans son intimité, que bien d'autres personnages d'enfants. Madeleine Peloquin est efficace alors que Victor Trelles Turgeon, même si son accent n'ajoute rien au personnage - qui vient de Puerto Rico (mais pourquoi?) - s'acquitte bien de sa tâche même s'il est plus effacé.
Passé une introduction anodine, on débute en flash-back l'histoire de Léonie, 11 ans, et de soeur Cécile, qui vont tomber amoureuses du même Dominicain alors qu'aucune des deux ne peut, bien sûr, assouvir son désir. Cette situation donne lieu à une effusion de grands sentiments, tirants sur le mélo mais sans préjudice, qui créent une ambiance rigoureuse et des personnages riches et difficiles d'accès. On en est d'autant plus poussé à les observer (c'est pour ça qu'on est là) et à les examiner, ce qui nous amène à mieux les comprendre et à endosser plus aisément leurs choix.
Car il s'agit tout de même d'une histoire où le désir féminin et une erreur de jeunesse viennent causer des problèmes à des gens autrement bien intentionnés. C'est le contexte qui rend l'histoire passionnante, et quand on en sort, on perd un peu de la force dramatique du conflit, de la même manière qu'on s'égare un peu lorsqu'on esquisse des personnages secondaires inutiles au récit (l'oncle) mais dont on devine que la majorité des scènes ont été coupées au montage.
La deuxième partie du film, pratiquement entièrement inutile, vient diluer l'émotion qu'on avait pu ressentir à la vue de ces trois personnages rigoureusement illustrés, d'autant que la performance de Geneviève Bujold, en soeur Cécile âgée, est loin d'être convaincante et que son personnage change soudainement de niveau de langage. Cette deuxième rencontre avec l'objet du désir de Léonie s'avère fade en comparaison des sentiments grandioses et enflammés, presque tragédiens, qu'on a voulu mettre en scène dans la première partie. D'autant que ces problèmes d'incontinence urinaire et d'hallucinations divines s'intègrent mal, à ce moment précis, aux émotions que l'on essaie de brasser.
Dommage, car en général, Pour l'amour de Dieu a surtout des qualités, tant au niveau de la sobriété de la mise en scène que de l'interprétation des comédiens. Quelques flottements au scénario et quelques longueurs en fin de course nuisent un peu aux émotions, présentes mais parfois cachées dans cette époque d'ombre et de noirceur.