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Dans la chair.
On n’avait pas vu David Cronenberg sur le grand écran depuis bientôt dix ans. Et la décennie qui a précédé, l’auteur avait abandonné ses délires organiques et les sévices corporels baignés dans la science-fiction qui l’ont fait connaître (de « La Mouche » à « eXistenZ ») pour une seconde partie de carrière composée de polars ou d’œuvres plus psychologiques, comme le magistral « Les Promesses de l’ombre » ou les très ennuyants « A dangerous method » et « Cosmopolis ». On pensait le cinéaste reconnaissable entre mille rangé définitivement mais il nous revient donc avec ce qu’il sait faire de mieux : réputé roi du body horror, il nous y replonge en plus de considérations et d’allégories assez puissantes sur nos sociétés et ses dérives. Un film qui résume son œuvre en à peine deux heures sans pour autant transpirer le best-of opportuniste et référentiel. « Les crimes du futur » n’est certes pas un chef-d’œuvre mais il nous transporte dans un univers cohérent et maîtrisé comme le réalisateur en a le secret.
Il fait le choix de ne nous donner aucune notion de temps et d’espace avec « Les crimes du futur ». C’est-à-dire qu’on ne sait pas si nous sommes dans l’avenir malgré le titre ou dans une sorte d’uchronie ou de dystopie. Et nous ne saurons pas plus où nous nous trouvons exactement même si on devine que le tournage a eu lieu en Grèce au vu de plusieurs indices. Cette absence de marqueur spatio-temporel est logique avec la fable futuriste qui nous est contée ici : cela pourrait se dérouler n’importe où et n’importe quand mais là n’est pas l’essentiel. L’homme, son corps et leur évolution semblent être arrivés à terme et c’est désormais la chirurgie et tous les délires qui vont avec qui excitent le commun des mortels. A partir de ce postulat et d’un scénario complètement tordu, mais toujours logique avec lui-même et tenu grâce à beaucoup (trop) de dialogues explicatifs, le film nous emporte durant près de deux heures dans son opéra de la chair. Une chair maltraitée et des corps mutilés filmés comme un ballet aussi charnel qu’organique qui bouscule les sens. Ce n’est pas choquant juste parfois un peu écœurant.
Les tenants et les aboutissants de l’intrigue sont parfois nébuleux et il y a quelques longueurs mais cela semble faire partie du voyage proposé par Cronenberg qui invite son acteur fétiche depuis un moment, Viggo Mortensen. Mais aussi deux des actrices les plus hype du cinéma indépendant mondial : notre Léa Seydoux nationale et Kristen Stewart qui éblouit encore dans un rôle étrange et difficile à définir. Encore une fois, ses choix comme ceux de son ancien partenaire de « Twilight » Robert Pattinson, qui a aussi tourné avec Cronenberg, sont judicieux et téméraires. Le film se vit comme un voyage étrange et bizarre dans les tréfonds de la folie humaine enveloppé par une musique classique à la fois épique et ample. Le cinéaste n’oublie pas soigner ses images et de mettre en avant ses décors naturels étranges, proches du no man’s land. Et quand vous verrez que tout se joue autour de gens qui parviennent à manger et digérer du plastique tandis que d’autres prennent plaisir à se faire tatouer les nouveaux organes que leur corps crée, vous en déduirez de la rareté et de l’étrangeté de l’œuvre à laquelle vous avez affaire. Après « Men », encore une fois une œuvre loin d’être tous publics, qui ne plaira pas à tout le monde mais prouve que le cinéma peut encore sortir des sentiers battus.
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