Grosses bouteilles de Molson, un homme qui se gargarise au whisky au milieu du trottoir, des coupes Longueuil à perte de vue, un extrait de l'émission Relevez le défi... Pas de doute, nous sommes bien dans le quartier Hochelaga, à Montréal, au début des années 1990.
Le cinéaste québécois Ara Ball adapte ici son propre court métrage de 2013 intitulé L'Ouragan Fuck You Tabarnak, rebaptisé L'ouragan F.Y.T. pour faire un peu plus propre, mais ici s'arrêtent les bonnes manières.
Ball nous introduit à Delphis Denis (Justin Labelle, très investi), 11 ans, qui, après avoir été renvoyé de son école en raison de son comportement violent et vulgaire, décide de prendre sa vie en main en devenant « L'ouragan ». Et ledit Ouragan n'a définitivement pas froid aux yeux, ni aux oreilles.
Habité par une rage incontrôlable, le jeune homme quitte l'appartement familial après l'arrestation de son père, et l'arrivée de la DPJ dans leurs vies. Déambulant dans les rues de la métropole en quête de repères, son chemin croise un jour celui de Ben (Nico Racicot) et de ses comparses, qui le prennent sous leur aile et l'hébergent dans leur demeure qu'ils surnomment affectueusement « la grotte ».
Dès lors, Delphis se trouve une place dans un monde qui ne lui en avait jamais fait auparavant, côtoyant d'autres individus marginalisés et/ou nés sous une mauvaise étoile qui lui apprennent les lois de la jungle et de la survie.
« Je pensais que vous étiez des punks, est*! », s'exclame Delphis lorsqu'il réalise que ce dernier cherche à calmer son désir de rébellion contre tout et rien, lequel n'a fait que lui attirer des ennuis jusqu'à maintenant.
Ce à quoi son nouveau mentor lui lance un savoureux : « Ce n'est pas une raison pour envoyer ch*er tout le monde, ça ».
Dès le départ, Ball et sa coscénariste Tania Duguay Castilloux embrassent autant la colère que la témérité, la virulence et les nombreuses maladresses de leur jeune protagoniste, qui fonce dans le tas la tête baissée en croyant ne rien devoir à personne.
Et tous ces traits caractérisent l'approche formelle de L'Ouragan F.Y.T., qui est d'abord volontairement éparpillée, impulsive et juvénile, mais qui évolue aux rythmes des apprentissages du jeune garçon.
Et la superbe direction photo en noir et blanc d'Ian Lagarde (La contemplation du mystère, À tous ceux qui ne me lisent pas) confère autant de personnalité que de panache à l'ensemble.
Il y a quelque chose d'exaltant et de très énergique dans la mise en scène de Ball qui n'est pas sans rappeler les premiers balbutiements très instinctifs de la Nouvelle Vague. Et le contexte, disons, plus marginal de sa prémisse complète allègrement cette vision.
Le long métrage débouche ultimement sur des séquences plus poignantes, en particulier celles tournant autour de la mère de Delphis (touchante et tragique Larissa Corriveau), tandis qu'elle tente de faire le ménage dans sa vie (littéralement) afin de récupérer la prunelle de ses yeux.
L'Ouragan F.Y.T. se termine sur une séquence tout aussi sentie, une prise de maturité, mais pas un signe de capitulation, plutôt l'acceptation d'une certaine réalité, et la réalisation de ce qui a été acquis, et de ce qui doit être laissé derrière. Du moins, pour l'instant.
Si le premier acte du film est susceptible de mettre à rude épreuve les nerfs de certains spectateurs, le personnage titre dévoile peu à peu un côté de sa personnalité qui ne demande qu'à être apprivoisé, lequel était demeuré bien enfoui jusque-là sous son épaisse carapace.
Car, après tout, à l'opposé du jugement hâtif et du regard désapprobateur portés par certains passants sur Delphis et sa bande, on gagne tous parfois à creuser un peu, et à aller au-delà de la première impression.