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Félicitations avortées.
Récipiendaire du dernier Lion d’Or au Festival de Venise en septembre dernier, on peut dire que « L’événement » n’a pas volé son prix. Audrey Diwan réalise un film à thèse puissant et qui en fera réfléchir beaucoup sur l’évolution sociale et celle des mentalités en cinquante ans. Nous sommes au début des années 60 en France et la pilule n’existe pas encore tandis que l’avortement est sévèrement puni par la loi, que ce soit la personne qui choisit de le faire comme pour celle qui le pratiquera. Et lorsqu’on est une très jeune femme, avoir un enfant signifie devenir mère fille et abandonner toute ambition ou velléité professionnelle et se retrouver mère au foyer. Rien à voir avec aujourd’hui où on en est à parler de troisième pronom et de genres entre autres considérations sociales bien plus superflues. Voir ce film c’est donc aussi se rendre compte que beaucoup de chemin a été parcouru, notamment concernant les droits des femmes. En adaptant le roman de Anne Herneaux, lui-même tiré d’une histoire vraie, Diwan nous propose une piqure de rappel en forme d’électrochoc.
Le long-métrage de la réalisatrice du déjà excellent « Mais vous êtes fous », qui parlait lui de la dépendance à la drogue et de son influence sur un couple lambda, est fascinant de bout en bout. On pense forcément à une autre œuvre en forme de claque sur le même thème, le film roumain plus austère et clinique mais tout aussi extrême et réussi « 4 mois, 3 semaines et 2 jours ». Aussi peu loquace, « L’événement » ne lâchera pas d’une semelle les pas de cette Anne qui va subir un véritable chemin de croix pour pouvoir disposer de son corps et de son avenir. La caméra ne la quittera plus dès lors qu’elle nous apparaît. Anamaria Vartolomei est impressionnante de détermination et de désespoir, offrant une composition d’une grande force et d’une justesse incontestable. Tout comme l’est le reste du casting, très bien dirigé, mais il faut avouer qu’on a d’yeux que pour elle. La jeune comédienne devait porter le film sur ses frêles épaules et elle s’en acquitte de la meilleure des façons. .
« L’événement » est dur. Dur mais réaliste, presque anxiogène. Diwan parvient à nous faire ressentir cet avortement de manière viscérale à travers deux scènes marquantes, presque insoutenables, mais jamais voyeuristes. Tout montrer était nécessaire pour faire comprendre ce qu’était un avortement à l’époque. Une époque d’ailleurs bien rendue et dont certains aspects semblent faire leur retour dans quelques endroits du monde actuel, un monde en proie au retour d’une forme de conservatisme social (droits des minorités, des femmes, etc.). Que des régions reviennent à interdire l’avortement comme dans certains États américains ou en Europe de l’Est paraît impensable et pourtant c’est bien réel. Cette œuvre d’une puissance rare permet donc de rappeler à certains des faits essentiels. C’est un film très féministe mais dans le bon sens du terme, politique un peu aussi, mais surtout d’une intelligence et d’une finesse indéniable. Un coup de poing nécessaire à la fois beau et fort dont on ne sort pas indemne.
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