Ce qui ressort en premier lieu de J'enrage de son absence, c'est la performance impériale de William Hurt (on oublie à quel point c'est un grand acteur lorsqu'on le voit dans de méga-productions hollywoodiennes où il agit comme second violon). Il est le roc de ce film, celui qui facilite l'immersion et qui lie les éléments. Car la proposition de Sandrine Bonnaire risquait de tomber dans le mélodrame pur à tout instant, ce qui aurait eu tôt fait de rebuter. Au contraire, par un souci du détail intriguant et une maturité émotive très rare chez un « jeune » réalisateur (bon, il faut dire que madame a 30 ans d'expérience devant la caméra...), le long métrage conserve un fort impact. Et J'enrage de son absence est bien plus réussi qu'on ne l'aurait cru.
Le film, qui est minutieux et sensible, s'allonge inutilement lors de la finale (les 40 dernières minutes en fait), ce qui était peut-être la seule option possible pour un film si lourdement chargé de mélodrame (assumé, mais quand même) dans son essence même. Il n'y avait sans doute pas d'autre issue à cette histoire telle qu'elle est, l'histoire tragique du deuil de ses parents même des années après la mort de leur enfant. Un deuil bien différent pour un, qui a continué à vivre, que pour l'autre, qui s'est « enfermé » dans le passé.
En dehors de la conclusion, le film, introspectif, rigoureux, tirant parfois vers le thriller, a malheureusement quelques redites, qui font toutefois partie de sa dynamique d'observation (d'intrusion) dans le quotidien d'une famille. Sa mise en scène, pas révolutionnaire du tout, met en scène dans le sens premier du terme (place les éléments dans un décor) dans le seul but de raconter.
Contre toutes attentes, la symbolique lourde du film fonctionne souvent, parce que la réalisatrice semble la « contrôler ». Ses plans sont maîtrisés, le film semble avoir une direction générale, une cohérence, une signature. Cela permet de vivre le film le plus près possible, comme il est requis d'une telle histoire, et c'est aussi la promesse de la naissance d'une réalisatrice digne d'intérêt. On ne peut pas demander à tous les nouveaux réalisateurs d'avoir tout accompli après leur premier film, quand même.
Le passage de Sandrine Bonnaire vers la réalisation (après un documentaire, Elle s'appelle Sabine, en 2007) est donc réussi, surtout grâce à Hurt, d'une émouvante élégance, et à un récit ambitieux émotionnellement mais traité avec simplicité.