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Jackie et Louise.
Le second long-métrage de la britannique Rose Glass est très particulier pour plusieurs raisons, qu’elles soient de forme et de fond. Mais, d’un autre côté, il se calque sur une trame narrative de polar assez classique. Ce n’est donc pas sur le déroulé même des événements du script que l’on trouvera le plus de plaisir et de surprises même si certaines séquences sont imprévisibles. « Love lies bleeding » est en revanche diamétralement opposé à son premier essai, le petit film d’horreur glauque et maîtrisé « Sainte Maude », qui révélait une patte singulière et une voie dans le cinéma de genre. On dit que le passage au second film est toujours le plus compliqué, surtout lorsque le premier a fait bonne impression. Glass peut s’enorgueillir d’un nouvel essai tout aussi concluant en plus d’être différent et donc d’éviter la redite. Le récit se déroule au début des années 80 dans un trou paumé du fin fond des Etats-Unis et voit un couple de lesbiennes fraichement amoureuses devoir défier le gangster local qui n’est autre que le paternel de l’une d’elles. Sur ce canevas trivial, la cinéaste britannique va oser quelque chose de peu commun sur plusieurs aspects.
La patine eighties donne déjà un certain charme à « Loves lies bleeding ». Le contexte du Nouveau-Mexique avec une petite ville du désert peuplée de losers où une salle de sports, un stand de tir d’armes et un concours de culturisme au féminin seront les liants de l’histoire vont ajouter encore à la particularité du long-métrage. Ce mélange de suspense et d’histoire d’amour entre femmes fait irrémédiablement penser au film culte de Ridley Scott « Thelma et Louise » sauf qu’ici, plus de trente ans après, leur amour est consommé et non suggéré. Ces héritières qui s’ignorent, nommées ici Jackie et Louise (ça ne s’invente pas et l’hommage semble évident) sont impeccablement interprétées par Katy O’Brian, véritable culturiste et révélation du film, ainsi que Kristen Stewart qui ne cesse d’étonner et de prendre des risques dans des films indépendants et des rôles extrêmes. Et n’oublions pas les seconds couteaux bien campés par une figure du cinéma indépendant en la personne de Jena Malone, par frère de James Franco, Dave, Franco ou encore le grand Ed Harris qui nous propose la coupe de cheveux la plus improbable de l’année, à tel point qu’elle ferait rougir le plus inspiré des Nicolas Cage sur le sujet.
Le film commence donc comme un coup de foudre entre deux jeunes femmes gays mêlée à une histoire de violences conjugales (et les années 80 étaient très différentes de notre époque sur ce point). On sent le film fait par une femme avec des femmes et surtout une vraie voie féministe derrière mais sans que ce soit lourd ou porte préjudice au récit. Puis, lorsque le script prend une tournure plus violente, les cadavres et le sang s’accumule comme dans un film des frères Coen ou de Tarantino, l’humour en moins. Glass se permet également quelques digressions osées et impromptues entre onirisme et horreur. Certaines ne sont pas toujours heureuses (la toute fin) ou vraiment écœurantes. Rien de surnaturel ici, juste le résultat mis en images de l’excès de stéroïdes pris par Jackie. Il y a même une scène qui semble copiée sur la claque « Men » d’Alex Garland, séquence qui nous avait mis par terre à l’époque, l’effet de surprise et le contexte étant moins adapté ici. « Loves lies bleeding » est donc un polar cru, brut et captivant, doté de choix peu communs et porté par la gente feminine. Inattendu et parfois bizarre, on aurait même aimé que tout cela parte plus en sucette comme l’emballage sonore et le montage à la « Requiem for a dream » le laissait présager à un moment. Même si ce n’est finalement pas le cas et que c’est parfois maladroit, c’est un moment de cinéma peu commun comme on aimerait en voir plus souvent.
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