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60% de fous rires incontrôlables et 40% de réflexions justes
Changement d'adresse est le signe précurseur de la belle renommée qu'Emmanuel Mouret est en train de se créer.
Difficile d'écarter la comparaison avec un certain Woody Allen alors que Mouret signe le scénario, réalise et joue dans ses plus récents films qui misent sur une certaine élégance, mais également sur l'intelligence et le caractère inusité des dialogues et des situations. Même si la déception a été par moment de mise durant le plus cabotin, mais fort agréable et distingué Fais-moi plaisir! après l'énorme réussite qu'a représenté le sublime, juste et touchant Un baiser s'il vous plaît, on doit y voir en Changement d'adresse un étalage de ses possibilités qu'il a illustré dès en partant pour mieux les explorer par la suite.
C'est dans cette lignée que Mouret offre 60% de fous rires incontrôlables et 40% de réflexions justes. En effet, la première partie du film prend à peine le temps de nous laisser respirer alors que les rires s'enchaînent à travers ces dialogues complètement hilarants et ces situations d'un côté malaisés et de l'autre, amusés. En deuxième partie, plus de scènes diverses où la musique prend place pour laisser les images parler d'elle-même sont offertes alors que le rire s'estompent lentement pour laisser place au sourire et à la satisfaction d'enfin atteindre ce qu'on attendait finalement depuis le début.
Après tout, comme dans la plupart de ces films jusqu'à maintenant, Mouret s'amuse à tourner autour du pot et à jouer avec variations sur le thème de l'amour, celui de base, l'amour vrai, illustré, avec raison, comme le plus inaccessible, mais également le plus pur et le plus beau.
Évidemment, de seulement faire un film simpliste sur l'amour ne permettrait pas à Mouret de se hisser aux hauts rangs des nouveaux grands réalisateurs, mais malgré ses inspirations diverses facilement reconnaissables, il faut avouer qu'il est parvenu à créer un univers qui se distingue avec classe. Que ce soit dans ses personnages, dans son langage ou même dans la musicalité d'ensemble autant que dans sa technique exprimant la même pureté que son propos, ses films se ressemblent, mais soulèvent toujours un point différent des relations hommes-femmes, autant qu'amoureuses, et même s'ils en ressortent un peu simplistes une fois qu'on en a épuré les nombreux enrobages (qui font également le charme de ces petits bijoux fort savoureux), ils s'avèrent toujours justes et bien réfléchis. On qualifie d'ailleurs les films de Mouret de divertissement intelligent qui savent faire rire sans abrutir.
Alors, qu'est-ce qui nous attend dans Changement d'adresse? Eh bien, on retrouve Mouret qui incarne à notre grand plaisir cet homme distingué, gêné, mais romantique qui se retrouve rapidement, d'un côté, en cohabitation avec une jolie blonde extravertie qui se lance dans de nombreux jeux de négations afin de mieux se protéger de ses propres sentiments, de ses propres vérités, mais pas nécessairement pour le mieux, et de l'autre, grandement amoureux d'une jeune étudiante coincée, peu bavarde qui s'avère être son élève de musique. S'enchaîneront diverses scènes où se raconteront les deux colocataires leurs avancées amoureuses personnelles, maladroits conseils en prime, et plusieurs scènes rocambolesques pour faire avancer ou régresser, selon, ces-dites relations amoureuses.
Si ce n'est pas son premier film, on ne peut cacher que du point de vue technique plusieurs failles sont de mises (montage rythmé oui, mais par moment quelque peu haché, équilibre inégal dans la fonction des scènes, etc), mais elles parviennent difficilement à gâcher le grand plaisir et l'immense bonheur qui nous parcourent lors du long-métrage à mesure que l'on succombe à la savoureuse naïveté de l'ensemble. Après tout, ces nombreux personnages riches en couleur ne pourraient trouver meilleurs comédiens que ceux qui nous sont offerts. Si Fanny Valette sait nous mettre mal à l'aise par sa beauté juvénile et sa gêne alors qu'elle se retrouve malgré elle dans de nombreuses situations, quelque peu contrôlée par ceux qui l'entourent, on doit avouer qu'il nous est impossible d'entièrement qualifier le personnage de Dany Brillant de salaud tellement son assurance et sa persévérance se lient plutôt à une certaine inconscience plutôt qu'à une méchanceté inconcevable. Cependant, autre Mouret qui sait avec justesse livrer le personnage idéal de l'univers qu'il a lui-même créer, il faut se rendre à l'évidence que Frédérique Bel brille avec génie et s'impose rapidement comme son opposé idéal, véritable personnage-lumière.
En somme, une véritable révélation et un film au charme incontestable qui se laisse facilement apprivoiser, qui divertit avec brio, mais ne se cache pas pour dévoiler ses plus beaux attributs et ses plus belles réflexions. Une belle réussite qui ne laisse prévisager que le meilleur pour la suite, ce qui est effectivement le cas. Chapeau!